Philippe Alcoy
La semaine dernière l’agence d’analyse géostratégique étasunienne Foreign Policy
– qui est loin de pouvoir être soupçonnée de « gauchiste » ou
d’ anti-impérialiste – révélait comment les Nations unies ont permis au
gouvernement syrien de dissimuler ses crimes contre des civils dans un
rapport officiel de l’organisation internationale. D’après des
responsables de l’ONU, il s’agirait d’une « procédure standard ».
L’ouverture des « négociations de paix » à Genève a sans aucun doute
pesé sur ce camouflage scandaleux.
Foreign Policy (FP) a eu accès à une ancienne version d’un rapport de 64 pages (UN Humanitarian Response Plan) publié le 29 décembre dernier. FP constate que « les
Nations Unies, après avoir consulté le gouvernement syrien, ont modifié
des dizaines de passages et ont omis des informations pertinentes pour
présenter le gouvernement de Bachar Al-Assad plus favorablement. En
comparant le document final avec une ancienne version (…) il est évident
que dix références à des « sièges » ou des zones « assiégées », comme
celui de la ville de Madaya (…) ont été effacées. Effacée aussi toute
mention au programme de déminage et à l’enlèvement des bombes non
explosées telles que les ‘’barrel bombs’’ que le régime a lancé de façon
indiscriminée sur des zones peuplées par des civils ».
L’omission de la référence aux zones assiégées comme Madaya
est particulièrement grave, car malgré le fait que finalement le
gouvernement a laissé rentrer l’aide humanitaire à la mi-janvier, il
continue de bloquer l’évacuation des personnes dans un état de santé
grave. En effet, « deux représentants d’organisations humanitaires
syriennes ont déclaré à FP que le rapport de l’OCHA [U.N. Office for the
Coordination of Humanitarian Affairs] sous-estime de façon drastique
les personnes nécessitant une prise en charge urgente, affirmant qu’au
moins 400 personnes doivent être évacuées ».
Un autre problème pointé par les organisations humanitaires indépendantes sur place est que « l’enlèvement
des références au déminage est une validation implicite de la position
du gouvernement syrien selon laquelle le déminage constitue un acte de
guerre ». D’ailleurs, dans une lettre signée par 112 travailleurs
humanitaires des zones assiégées par les forces gouvernementales, on
dénonce que « le personnel des bureaux de l’ONU à Damas est ‘’soit
trop proches du régime, soit trop effrayé de voir ses visas annulés par
le même pouvoir qui nous assiège’’ ».
Enfin, l’article de FP dresse un bilan clair de cette « tactique » de l’ONU : « d’habitude
l’ONU dit très peu sur les conditions des zones assiégées, préférant
utiliser la diplomatie. Mais cette méthode n’a pas marché en 2015
puisque le gouvernement syrien a refusé 9 demandes d’autorisation sur 10
pour envoyer de la nourriture et des médicaments aux zones que l’ONU a
classifiées comme étant sous état de siège ou d’ ‘’accès difficile’’. »
Au cours des dernières décennies, l’ONU a cherché à se donner une
image d’organisation internationale humanitaire œuvrant pour la défense
des Droits de l’homme, pour le respect des populations civiles et,
surtout, pour la « paix ». Son rôle, notamment dans les guerres en
Yougoslavie dans les années 1990 où elle apparaissait comme « la
garantie de la paix », n’ont fait que renforcer cette image et lui
donner une certaine légitimité internationale pour intervenir dans
d’autres conflits dans le monde.
Cependant, l’ONU n’a jamais été autre chose qu’une institution
réactionnaire servant de camouflet pour les politiques internationales
des puissances occidentales, à commencer par les États-Unis. C’est sous
la couverture de l’ONU que les puissances impérialistes ont mené (et
mènent) des bombardements dits « humanitaires » pour protéger leurs
intérêts. L’exemple de la Libye est trop proche pour l’oublier.
Dans le cas présent, il est évidement que la dissimulation de
l’ampleur des crimes commis par le régime syrien vise à rendre plus
acceptables les « discussions de paix » en cours à Genève et un possible
accord avec Assad et ses alliés internationaux. Mais, si l’ONU est
prête à faire de tels maquillages sur les crimes d’un vrai « paria
international » comme le régime d’Assad, à quoi serait-elle prête pour
cacher les crimes des puissances impérialistes centrales ? Encore une
fois, ces exemples montrent que les classes populaires, les travailleurs
et les opprimés de cette planète ne peuvent faire aucune confiance à
une organisation pro-impérialiste telle que les Nations unies.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire