Philippe Alcoy
En Europe de l’Est le processus de restauration du capitalisme initié
au début des années 1990 a entrainé un lot de destruction de postes de
travail, de privatisations et de fermetures d’entreprises. A sa manière
le groupe musique croate Hladno Pivo exprime cette réalité à travers de
sa chanson « Fima », parue en avril 2015.
Dans le clip on voit des images désolantes de la destruction
capitaliste : des usines abandonnées, en friche, machines détruites, des
portails fermés. Le silence de machines à l’arrêt et détruites, de
restes d’usines, est contrasté par un rythme puissant du groupe jouant
au milieu de ce qui semble être un grand atelier désaffecté.
Mais il y a plus car les personnages principaux du clip ce sont les
travailleurs eux-mêmes, principales victimes de cette destruction. On
les voit mimer les paroles de la chanson, jouer dans le clip, ils
prennent la parole au début, au milieu et à la fin de la chanson.
D’autres dessinent leurs machines de travail avec des inscriptions « ma
machine = ma vie », « ma machine mon pain ». On y voit aussi les
ouvrières de l’ancienne usine textile Kamensko dont leur lutte est
devenue un symbole en Croatie, notamment lors du mouvement de
contestation de la « caste politicienne » croate en 2011 où les
ouvrières de Kamensko, en pleine lutte, avaient été à la tête d’une manifestation de plus de 10.000 personnes.
Le capitalisme y a dévoilé avec une force brutale et fulgurante tout
son caractère réactionnaire et barbare. En quelque sorte, les
capitalistes n’y sont plus « capables de nourrir leurs propres esclaves ».
Ce que raconte le groupe Hladno Pivo, « bière froide » en français
n’est autre que la situation d’agonie d’un système d’exploitation que
décrivaient Marx et Engles dans le « Manifeste Communiste » de 1848 :
« Toutes les sociétés antérieures ont reposé sur l’antagonisme de
classes oppressives et de classes opprimées. Mais, pour opprimer une
classe, il faut pouvoir lui garantir des conditions d’existence qui lui
permettent, au moins, de vivre dans la servitude. (...) L’ouvrier
moderne (...) loin de s’élever avec le progrès de l’industrie, descend
toujours plus bas, au-dessous même des conditions de vie de sa propre
classe. Le travailleur devient un pauvre, et le paupérisme s’accroît
plus rapidement encore que la population et la richesse. Il est donc
manifeste que la bourgeoisie [les capitalistes] est incapable de remplir
plus longtemps son rôle de classe dirigeante et d’imposer à la société,
comme loi régulatrice, les conditions d’existence de sa classe. Elle ne
peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de
son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu’elle est obligée de
le laisser déchoir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire
nourrir par lui.
Le clip de Hladno Pivo mêle la beauté esthétique à la description
d’une terrible réalité. Il traduit fidèlement la dévastation
capitaliste. Sa musique énergique traduit la rage de toute une
génération de travailleurs et travailleuses face à cette situation
d’humiliation et de vol de la richesse nationale produite
collectivement.
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