Philippe Alcoy
« Il est clair que si nous ne pouvons pas protéger la frontière
gréco-turque, la frontière Schengen va se déplacer vers l’Europe
centrale ». Ces mots clairs et menaçants à l’égard de la Grèce ont
été prononcés par la ministre de l’Intérieur autrichienne, Johanna
Mikl-Leitner. La soi-disant « crise migratoire » en Europe ne s’arrête
pas malgré l’hiver et les discours deviennent de plus en plus
explicitement xénophobes et les mesures réactionnaires de plus en plus
drastiques. Progressivement, l’Union européenne avance vers la faillite
complète de l’espace Schengen.
Lors d’une réunion « informelle » des ministres de l’Intérieur
européens lundi dernier à Amsterdam, la Commission européenne a été
saisie pour qu’elle analyse une demande de prolongation pour deux ans
des contrôles aux frontières internes de l’espace européen de « libre
circulation ».
Il s’agit d’une mesure délicate mais tout à fait compatible avec
« l’esprit européen ». Une mesure qui révèle le caractère réactionnaire
sur toute la ligne de l’UE : face à la catastrophe que vivent des
milliers de migrants sur le sol européen, la seule réponse est la
répression. Et quand celle-ci est jugée insuffisante chez le voisin, on
ferme la frontière, on « sous-traite » la gestion des réfugiés.
C’est ainsi que des idées qui, il n’y a pas si longtemps, pouvaient
paraître « absurdes » commencent à avoir du poids. La dernière en
matière de « protection des frontières » est l’expulsion de la Grèce de
l’espace Schengen. La Grèce serait devenue incapable de protéger sa
frontière avec la Turquie ainsi que d’empêcher que les migrants avancent
à travers sa frontière nord vers l’Allemagne, l’Autriche et autres pays
riches du continent. On évoque même la création d’une nouvelle force de
surveillance des « frontières extérieures » de l’UE qui pourrait mener
des missions, y compris sans l’accord du gouvernement local.
Fini le temps où l’on faisait semblant de « dénoncer » le premier
ministre hongrois, Viktor Orban, pour avoir fait ériger un mur de
barbelés sur ses frontières avec la Serbie et la Croatie pour empêcher
que les migrants traversent le pays. Aujourd’hui, il s’agit de « créer
des Hongries partout » ; d’ériger des murs pour empêcher les migrants
d’avancer vers les pays où ils désirent s’installer.
Les 3 milliards d’euros donnés au régime turque pour stopper le flux
migratoire ont été versés en vain. Le gouvernement d’Erdogan a pris
quelques mesures pour inciter les réfugiés à rester en Turquie, comme
des permis de travail pour 2 millions de syriens. Mais rien n’y fait.
Depuis le début de l’année, on estime que plus de 40.000 réfugiés ont
traversé la frontière turco-grecque.
Maintenant, les pays centraux de l’UE veulent accélérer et réaliser
un projet qu’ils ont de longue date : transformer la Grèce en leur camp
de concentration pour les réfugiés. Et si cela ne se fait pas avec la
coopération du gouvernement grec, ça se fera à son insu !
Pour ce faire, l’UE a un nouveau « meilleur allié » : la Macédoine.
Le plan consiste à renforcer sa frontière avec la Grèce, la fermer s’il
le faut, avec des policiers, des gardes frontières internationaux, des
barbelés. Les réfugiés ne devraient pas quitter la Grèce. Et les
autorités macédoniennes sont prêtes à jouer leur rôle de vassaux
semi-coloniaux des puissances impérialistes européennes. Par contre, les
travailleurs et les jeunes macédoniens qui voudraient aller vivre dans
ces pays riches du continent, pour la plupart, seront traités de la même
façon que les migrants venus de Syrie, Afghanistan, Irak, Somalie ou
n’importe quel autre pays dévasté par la guerre ou la spoliation.
Le gouvernement grec, qui fait de son mieux (pour arrêter les
migrants … et ceux qui les aident), a vivement protesté en déclarant
qu’il ne veut pas que son territoire devienne un « cimetière d’âmes »,
une « chambre noire » pour les réfugiés. Il dénonce le manque de
« solidarité » de ses « partenaires ».
La « crise migratoire » en Europe a poussé les dirigeants du
continent dans une spirale réactionnaire vertigineuse. Ce ne sont plus
juste des discours. Les mesures prises sont effrayantes. En effet,
parallèlement au débat sur l’expulsion/suspension de la Grèce de
l’espace Schengen, on apprenait ces dernières heures que le parlement
danois votait une loi autorisant la confiscation des biens des migrants
pour … financer leur « séjour dans le pays ». Définitivement, la caste
politicienne européenne entend conserver et renforcer le statut de
l’Europe comme l’une des régions les plus hostiles du monde aux
migrants.
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