25.10.15

Les gouvernements européens jouent au ping-pong avec les réfugiés dans les Balkans


Philippe Alcoy
Publié le 20 octobre 2015
 
« La Croatie refuse de collaborer », disent les autorités slovènes. « L’Autriche ne laisse rentrer sur son territoire qu’un nombre limité de réfugiés », poursuivent-elles. Vienne dément. « Si l’Allemagne accepte ces gens, il n’y aura pas de problèmes pour nous ici » affirme Stjepan Kovać, le maire de Čakovec, ville croate, frontière avec la Slovénie. « La fermeture de la frontière fonctionne, cela a efficacement stoppé les entrées illégales » se félicite un porte-parole du gouvernement hongrois.

Et le jeu de « ping-pong » avec les réfugiés et migrants entre les gouvernements de la région continue. Des crises diplomatiques à cause de la fermeture d’une frontière… ou d’une frontière « trop ouverte ». Les gouvernements serbes et croates ont subi une forte crise le mois dernier suite à la fermeture de la frontière hongroise et le cheminement des migrants vers la Croatie par la Serbie. Suite à celle-ci, la communication entre la Croatie et la Slovénie a été coupée car cette dernière refuse d’ouvrir sa frontière tant que l’Autriche ne fera de même et permettra qu’un plus grand nombre de réfugiés et migrants rentre dans ce pays.

Après un mois où la question des migrants et réfugiés à laissé la place à d’autres comme les bombardements russes, américains et français en Syrie, ces derniers jours, le sujet revient sur le devant de la scène. En effet, un mois après la fermeture de la frontière entre la Hongrie et la Serbie, vendredi dernier le gouvernement hongrois a décidé de fermer sa frontière avec la Croatie, par où des milliers de réfugiés passaient pour se diriger vers l’Autriche, l’Allemagne et les pays scandinaves.

La fermeture de cette frontière (le gouvernement hongrois envisagerait même d’ériger un mur barbelé dans sa frontière avec la Roumanie à l’Est du pays) a provoqué un intense flux de migrants vers la Slovénie durant tout le weekend. Selon les autorités du pays, rien que lundi dernier, 8.000 personnes seraient entrées sur le territoire slovène.

Alors que la Hongrie peut compter sur le soutien explicite de la République Tchèque et de la Slovaquie, qui enverront 50 policiers chacune pour épauler la police hongroise dans son travail de refoulement aux frontières, le gouvernement slovène a quant à lui fait appel à l’armée pour venir en aide à la police et pour surveiller sa frontière avec la Croatie.

Dans l’attente du « Général hiver » ?

 

Napoléon et Hitler s’y sont cassé les dents. Dans l’histoire on a dénommé « Général Hiver » l’hiver russe, véritable barrière naturelle contre les invasions ennemies du territoire des Tsars. Aujourd’hui les gouvernements de l’UE, au milieu d’un climat très réactionnaire et xénophobe, semblent attendre que le « Général Hiver européen » arrête le flux de ces milliers « d’envahisseurs », les réfugiés et migrants.

En effet, les températures sont de plus en plus basses en Europe et ce weekend déjà des centaines de migrants ont dû attendre sous la pluie froide pendant quatre heures à la frontière slovéno-croate qu’on les laisse poursuivre leur chemin. Cependant, ce weekend plus de 15.000 migrants sont entrés en Macédoine. Et c’est une question d’heures pour eux avant d’atteindre la frontière slovène. Le froid ne semble pas pour le moment effrayer ceux et celles qui fuient les bombes et la misère.

Merkel à la manœuvre

 

Il est clair que les puissances impérialistes espèrent que les pays limitrophes à l’espace Schengen, mais aussi ceux limitrophes de pays centraux comme l’Autriche, et notamment l’Allemagne, ralentissent la progression du flux migratoire.

La fermeture de la frontière hongroise permet à Viktor Orban de faire de la démagogie électoraliste en s’appuyant sur les secteurs les plus réactionnaires de la société. Mais concrètement, c’est à l’Autriche, aux pays scandinaves et principalement à l’Allemagne qu’il est en train de servir. Et cela malgré sa rhétorique anti-quotas qu’il oppose à Merkel et Hollande.

C’est ainsi que Merkel peut prétendre arrêter les migrants bien plus en amont. En effet, ce dimanche, elle est allée rendre visite au bourreau Erdogan en Turquie pour renforcer la « coopération » entre ce pays et l’UE pour stopper les réfugiés voulant atteindre les pays riches du continent.

Mais cette politique hostile aux migrants et réfugiés des gouvernements de l’arrière-cour semi-coloniale de l’UE ne révèle pas seulement leur caractère réactionnaire, mais aussi et surtout, leur servilité vis-à-vis des puissances impérialistes.

L’Allemagne polarisée

 

Parallèlement, en Allemagne, on assiste à une importante polarisation de la société concernant la question des migrants et réfugiés. Ainsi, lundi, le mouvement xénophobe et raciste Pegida a réalisé une manifestation à Dresde contre les migrants qui a réuni entre 15.000 et 20.000 personnes. Mais le plus impactant n’a pas été tant le nombre de participants que le contenu que certains orateurs lui ont donné. Ainsi, Akif Pirinçci, écrivain allemand d’origine turque, a affirmé à la tribune que face à la question des migrants-réfugiés «  il y aurait bien sûr d’autres alternatives. Mais malheureusement, les camps de concentration ne fonctionnent plus ». Et la foule l’a ovationné.

Cependant, à Dresde, lundi dernier également, une manifestation en soutien aux migrants-réfugiés était organisée. Comme dans celle organisée par Pegida, entre 15.000 et 20.000 personnes y ont pris partie. Il y a eu quelques affrontements et la police a dû intervenir pour éviter que les antiracistes et les racistes ne s’affrontent plus durement.

D’un bout à l’autre de la chaine européenne, la politique xénophobe de l’Union Européenne montre ses différents visages. Dans une optique de sous-traitance des questions migratoires aux pays limitrophes de l’Union et à ses voisins les plus proches, et en premier lieu, la Turquie, les Etats impérialistes comme l’Allemagne et la France pensaient pouvoir se préserver une image d’humaniste… Rattrapés par l’extrême-droite nationalement, qu’ils ont largement contribué à renforcer à la fois par leur politique nationale et internationale, les gouvernements français et allemands sont en train de dévoiler leurs vrais visages.

Source: RP

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