Philippe Alcoy
Publié le 23 septembre 2015
Il semble déjà y avoir un anachronisme à voir certains journaux
parler d’un gouvernement de « la gauche radicale » pour se référer à la
coalition Syriza-Anel, sous-entendant que le premier gouvernement formé
par l’alliance entre Tsipras et les souverainistes de droite ait été un
jour un gouvernement de « gauche ». Mais aujourd’hui après toutes les
capitulations, après l’accord du 13 juillet signé avec les créanciers de
la Grèce, et après avoir mené une campagne où l’on disait clairement
que le nouveau gouvernement allait appliquer les réformes exigées par la
Troïka, il est tout simplement mensonger de décrire Syriza comme un
parti de « gauche radicale ».
En effet, la victoire politique de Syriza s’inscrit dans un
état d’esprit maussade généralisé dans les masses grecques, ce qui n’a
pas empêché Tsipras et ses alliés de passer aux choses sérieuses. C’est
ainsi qu’hier soir le gouvernement Syriza-Anel II a été annoncé. Pas
beaucoup de changement, ni de noms ni de ministères. On donne cependant
une place centrale aux fidèles de Tsipras et notamment à ceux qui ont
participé de près aux négociations avec la Troïka et qui ont élaboré
avec elle le troisième Mémorandum. Le ton est donné : il s’agit sans
aucun doute d’un gouvernement austéritaire.
Au ministère des Finances, les temps où l’on plaçait un « marxiste
occasionnel » tel que l’exubérant et égocentrique Yánis Varoufákis sont
bien évidemment révolus et c’est la continuité signée Euclide Tsakalotos
qui s’impose. Celui-ci avait pris la place de son prédécesseur dès sa
démission, au lendemain du référendum du 5 juillet et est devenu un
acteur clé de l’accord entre la Grèce et créanciers.
Tsakalotos avec Yánnis Dragasákis, vice-président du gouvernement,
ainsi que George Chouliarakis et Georges Stathakis, chargés de la
comptabilité générale de l’État et ministre de l’Économie, veilleront à
l’application du troisième mémorandum. Ces quatre dirigeants de Syriza
sont de très proches collaborateurs de Tsipras et font partie du conseil
économique du parti depuis plusieurs années.
La nouveauté dans ce gouvernement vient de la nomination d’Alexis
Haritsis en tant que ministre délégué à la gestion des fonds structurels
européens. Son rôle sera d’optimiser l’allocation des fonds européens.
Autrement dit, un ministère de suivi et contrôle, notamment pour la
Troïka, des fonds attribués à la Grèce.
Quant à la « caution de gauche » du gouvernement Syriza-Anel II elle
est incarnée par Yannis Mouzalas au ministère de l’Immigration qui prend
une importance centrale dans la crise migratoire actuelle que connaît
l’Europe. Celui-ci était le ministre de l’Immigration du gouvernement
d’intérim entre le 20 août, date de démission de Tsipras, et le 20
septembre. En effet, cet ancien membre de Médecins du Monde a été
responsable de la gestion de l’arrivée massive de migrants et réfugiés
pendant quatre semaines fatidiques. Pános Kamménos, chef des Grecs
Indépendants (Anel), a été lui aussi reconduit à la tête du ministère de
la Défense. Trois autres membres de ce parti souverainiste de droite
occuperont des postes dans des ministères.
Enfin, et comme dans le gouvernement précédent, aucune femme n’a été
nommée par Syriza. « Seul ANEL, ce parti aux vues sociales
conservatrices, s’approche de la parité : deux de ses quatre membres du
gouvernement sont des femmes alors que Syriza n’a pas mis une seule
femme à la tête d’un ministère » signale une correspondante du Monde. Ce
simple constat en dit long sur la prétendue alternative progressiste du
parti de Tsipras.
Syriza sur la voie du PASOK et de Nouvelle Démocratie ?
Le gouvernement Syriza-Anel II a donc été clairement constitué sous
le signe de l’austérité. Dans les prochains jours il devra présenter un
budget remanié pour 2015 et un projet de budget pour 2016. Tous deux
seront marqués par des coupes dans les dépenses sociales. Ce
gouvernement devra également appliquer les réformes du marché de
l’emploi et des conventions collectives ; des augmentations d’impôts
dans les îles et pour les agriculteurs. Au total, plus de cinquante
réformes devront être appliquées d’ici la fin de l’année. En 2016 ce
sont près de cent nouvelles mesures qui seront mises en place, selon les
exigences de la Troïka.
Dans un article récent,
l’éditorialiste du Financial Times, Wolfgang Münchau, pointait le fait
que les partis de centre-gauche européens ont été incapables de
capitaliser électoralement la crise économique éclatée en 2007. Les
raisons : ses politiques ne différent en rien de celles de la droite. Le
manque de politiques « originales » de la part de cette gauche
social-libérale n’a fait qu’accélérer leur effondrement.
En ce sens, le virage vers le centre de l’échiquier politique de
Syriza et sa transformation en parti de l’austérité, prédisent-ils un
destin semblable à celui du PASOK et de Nouvelle Démocratie ? Avec
l’application des nouvelles mesures d’austérité, Tsipras connaîtra-t-il
le même sort que les Premiers ministres précédents ? Il est en tout cas
plus que souhaitable que la classe ouvrière et les couches populaires
sortent du marasme provoqué par les trahisons successives des
gouvernements Tsipras et retrouvent le chemin des grèves et des luttes
contre l’austérité. Ce premier pas est essentiel afin de mettre en avant
une politique de classe indépendante de la bourgeoisie et de
l’impérialisme, qui à elle seule peut sortir la Grèce de la situation
chaotique dans laquelle elle est plongée, et ouvrir la voie aux
exploités à l’échelle internationale.
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