Philippe Alcoy
Publié le 21 septembre 2015
Source: Révolution Permanente
Il n’y a aucun doute : le grand gagnant des élections grecques 
dimanche dernier est Alexis Tsipras. Et cela non seulement parce qu’il a
 réussi à pratiquement répéter son score de janvier mais parce qu’en 
même temps il réussi son pari politique de se débarrasser des 
« frondeurs » de Syriza et de constituer un groupe au parlement plus 
fidèle. Cependant, cette victoire n’est pas non plus une garantie de 
stabilité politique à la hauteur des réformes que le nouveau 
gouvernement devra mettre en place.
Avec 35% des voix Syriza arrive largement en tête face à la
 droite de Nouvelle Démocratie (28%). Ce résultat, additionné aux 50 
sièges de « bonus » que le régime politique grec offre au parti arrivé 
en tête, lui permet d’avoir 145 députés (seulement quatre de moins qu’en
 janvier dernier) sur 300 que compte le parlement.
Tsipras a déjà annoncé qu’il formera à nouveau un gouvernement avec le parti souverainiste de droite Anel qui a obtenu un peu plus de 3% des voix et 10 sièges au parlement. Au total, entre les deux partis ils comptabilisent 155 sièges, quatre de plus que la majorité absolue.
Encore une fois, ces résultats démentent les prévisions des sondages 
des semaines précédentes qui annonçaient une élection serrée entre 
Syriza et ND. Ces mêmes sondages indiquaient qu’Anel ne rentrerait pas 
au parlement, ce qui posait la question d’avec qui Tsipras formerait le 
nouveau gouvernement en cas de victoire.
En troisième position arrive le parti néo-fasciste Aube Dorée (6% et 
18 députés). Ainsi, le parti d’extrême-droite maintient son score de 
janvier dernier, et cela malgré le fait que sa direction se trouve en 
prison pour l’assassinat du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas ainsi que
 pour être à la tête d’une organisation de malfaiteurs.
Les autres partis qui seront présents au parlement seront le PASOK (6,3%), le Parti Communiste (KKE – 5,5%), les centristes de To Potami (4%) et une nouvelle formation, l’Union des Centristes (3,7%). Pour les dirigeants de To Potami, qui avait été reçus en grande pompe à Bruxelles, c’est un revers important.
Syriza n’a pas été sanctionné mais sa victoire n’éveille aucun enthousiasme
Syriza semble ne pas avoir été sanctionné de sa volte-face vis-à-vis 
de la Troïka et de l’austérité. L’élément qui traduit le plus clairement
 un désenchantement avec les promesses de Tsipras mais aussi vis-à-vis 
des mécanismes de représentation politique est le taux d’abstention : 
45%, le plus fort depuis 1990.
Sans aucun doute, une grande partie des électeurs qui ont voté pour 
Syriza l’ont fait sans grand enthousiasme, considérant l’austérité 
presque comme « inévitable » et voyant Tsipras comme celui qui pourrait 
« adoucir » le plus l’application des mesures néolibérales exigées par 
les créanciers du pays.
Les grands perdants de l’élection : Lafazanis et l’Unité Populaire
Si Tsipras est le gagnant incontestable de l’élection, les perdants 
incontestables sont clairement Panagiotis Lafazanis et l’Unité 
Populaire. La formation de l’ex ministre de l’énergie du gouvernement 
Syriza-Anel jusqu’à son renvoi par Tsipras suite à son vote « contre » 
le nouvel accord avec la Troïka n’a même pas pu atteindre le seuil 
antidémocratique de 3% nécessaire pour rentrer au parlement grec. 
L’Unité Populaire (UP) n’a obtenu que 2,8% des voix.
Ce mauvais résultat électoral reflète le fait qu’après avoir perdu le
 combat politique contre la Troïka après janvier, les masses ressentent 
une certaine lassitude, et ce alors que ceux qui constituent aujourd’hui
 l’UP et qui ont été l’aile gauche de Siryza n’ont jamais constitué une 
alternative à la direction de l’ex-formation de gauche radicale au cours
 des combats décisifs. Lafazanis était le principal dirigeant de la 
Plateforme de Gauche de Syriza qui avait été incapable de lutter contre 
la capitulation de Tsipras, mis à part à travers de motions internes qui
 n’avaient aucun poids dans la réalité. La plateforme de gauche a 
continué tout au long des quelques mois où Tsipras et son entourage 
capitulait face aux créanciers du pays à soutenir le gouvernement grec 
et à voter avec lui jusqu’à la signature de l’accord avec la Troïka le 
13 juillet dernier.
Au moment de la rupture avec Syriza, après le 20 août, l’UP avait 25 
députés au parlement. Aujourd’hui ils n’en ont même pas un. L’UP a été 
incapable d’apparaitre comme une alternative sérieuse à Syriza. Cela 
s’explique en grande mesure par le fait que son axe programmatique et 
stratégique était pratiquement le même que celui de Syriza avant sa 
capitulation totale. La seule différence étant que l’UP adopte une 
orientation anti-euro. Les réultats montrent par ailleurs que la 
question d’un retour à la drachme n’est absolument pas en phase avec les
 préoccupations de l’électorat populaire.
Cet échec de l’UP est aussi celui d’une partie de « la gauche 
radicale » européenne qui face à l’impasse stratégique et programmatique
 de Syriza au pouvoir avait trouvé un raccourci et une manière d’éviter 
de tirer un bilan politique dans le soutien à l’UP.
La tache risquée d’appliquer les nouvelles mesures d’austérité
Cette victoire politique permet à Tsipras de consolider son parti et 
de bénéficier d’une plus grande stabilité. Mais tout ceci devra se 
vérifier lors du vote des mesures draconiennes exigées par la Troïka. Ce
 sont ces futures échéances qui vont représenter un test pour le 
prochain gouvernement.
Le soutien sans enthousiasme à Tsipras peut être vu comme sa force et
 sa faiblesse en même temps. Ce serait une force dans le sens où cela 
traduit une certaine passivisation/tétanisation de la classe ouvrière et
 de la jeunesse, qui pourrait avoir du mal à résister face aux nouvelles
 attaques qui se préparent. Mais d’autre part, on pourrait dire qu’il 
s’agit d’une faiblesse. En effet, beaucoup d’observateurs signalent déjà
 que le décalage entre les attentes, même les plus minimes, de 
l’électorat de Syriza et les mesures d’austérité pourrait entretenir 
l’instabilité politique dans le pays. Si, comme par le passé, la Troïka 
se montre absolument inflexible, alors les choses pourraient se 
compliquer et la patience/passivité des masses s’effriter.
Du point de vue des puissances impérialistes, le risque est que 
Tsipras et ses ministres ne soient pas aussi efficaces qu’ils ne le 
souhaiteraient pour gouverner. Tout ceci pourrait compliquer les 
négociations à venir avec la Troïka. Si avant fin 2015 les 
recommandations du Mémorandum ne sont pas appliquées, la situation 
pourrait à nouveau dégénérer. C’est début 2016, en effet que devraient 
entrer en vigueur de nouvelles normes européennes sur les 
recapitalisations des banques. Un non-respect de certains engagements 
pourrait mener l’Etat grec à devoir ponctionner sur les comptes des 
épargnants, ce qui représenterait un coup de canif dans la confiance. La
 situation, par conséquent, reste extrêmement fluide, en dépit de la 
victoire de Tsipras.
 

 
 
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