Philippe Alcoy
Publié le 4 septembre 2015
Source: Révolution Permanente
Au milieu d’une situation très grave pour des
milliers de nos frères et sœurs d’ailleurs, nous exprimons notre
solidarité internationaliste à travers différentes chansons dont les
paroles évoquent d’une façon ou d’une autre les conditions de vie et la
réalité de ces migrants tentant d’arriver en Europe. La liste de
chansons présentée ci-dessous est heureusement très loin d’être
exhaustive. Il s’agit pour nous aussi de rendre hommage à tous ceux et
celles qui ont perdu leur vie dans leur voyage vers l’Europe mais aussi à
tous ceux et celles qui se battent contre l’oppression raciste et
xénophobe au quotidien sur le continent européen mais aussi dans leurs
pays d’origine.
« On la trouvait plutôt jolie, Lily Elle arrivait des Somalies Lily Dans un bateau plein d´émigrés Qui venaient tous de leur plein gré Vider les poubelles à Paris...
Elle croyait qu´on était égaux Lily Au pays de Voltaire et d´Hugo Lily Mais pour Debussy en revanche Il faut deux noires pour une blanche Ça fait un sacré distinguo
Elle aimait tant la liberté Lily Elle rêvait de fraternité Lily Un hôtelier rue Secrétan Lui a précisé en arrivant Qu'on ne recevait que des Blancs »
On
pourrait croire que « Lily », la célèbre chanson de Pierre Perret, a
été écrite la semaine dernière tellement ses paroles parlent d’une
réalité actuelle. Or, elle a été écrite en 1977. Dès le début on sent le
ton ironique qui dénonce non seulement le racisme mais met aussi en
lumière les conditions dans lesquelles tant de migrants arrivent en
Europe… ou pas. Ou pas car, comme on le voit depuis plusieurs mois et
années, ce sont des milliers de vies qui se perdent en Méditerranée
chaque année, l’image du corps du petit Aylan étant le dernier exemple dramatique qui a frappé l’opinion mondiale.
Ce sont des milliers de personnes qui décident de
risquer leur vie tant la situation peut être désespérée. Soit la guerre.
Soit la persécution. Soit la misère qui colle à la peau. Une situation
bien décrite par le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly dans sa chanson
« Où aller, où ? ».
(…)
J’ai dormi sans étoiles Ici, le ciel est noir Et j’ai volé du pain La terre était trop sèche C’est du sang qu’elle boit Et nos bras qu’elle mange C’est la faute à qui si je suis hors-la-loi.
Où aller où ? Où aller ? Où aller où ? Je ne sais pas où aller
Et puis je suis parti Sans guide, sans boussole Et les cris de ma mère Par-dessus mon épaule
J’ai pris mon élan Une fois et dix fois Sauté par-dessus les grilles comme papa
Où aller où ? Où aller ? Où aller où ? Je ne sais pas où aller
Prends garde disent-il La mer est une tombe Elle ne te donnera pas son bras Si tu tombes
J’ai pris les vagues Au milieu de la mer qui brille Mais elles ont fait tomber toute ma famille… »
Pour
le continent africain particulièrement cette situation de pauvreté
structurelle qui force littéralement à l’exil une partie de sa
population est totalement liée à une histoire d’oppression et spoliation
impérialistes depuis des siècles. L’esclavage, le colonialisme, les
guerres, le travail forcé. Le tout couronné du racisme ordinaire et
institutionnalisé dans les ex-puissances coloniales européennes. C’est
précisément cela qu’un autre chanteur ivoirien, Alpha Blondy, dénonce
dans sa chanson « Sales racistes ».
Nous allons chasser, chasser ces maudits racistes, chasser ces sales racistes hors de nos terres.
Avec le sang de nos grand-pères, vous avez fait vos guerres, Pillé nos matières premières, vous et vos frontières… »
A
cette misère structurelle du capitalisme de différents pays africains
il faut ajouter les guerres comme un autre élément qui oblige à
l’émigration les populations locales. Ce n’est pas une réalité nouvelle,
même si ces dernières années on a vu les interventions militaires
impérialistes se multiplier tout au long de la planète, notamment au
Moyen Orient et en Afrique. Ces conflits entrainent des morts et des
déplacés, mais aussi l’installation de bases militaires des puissances
mondiales qui constituent une menace permanente pour les opprimés et
exploités.
En Côte d’Ivoire, nous ne voulons plus de vous ! Au Sénégal, nous ne voulons plus de vous ! Au Gabon, nous ne voulons plus de vous ! En Centrafrique, nous ne voulons plus de vous ! A Djibouti, nous ne voulons plus de vous ! A Ndjamena, nous ne voulons plus de vous… »
(Alpha Blondy, « Armée française »)
Pour
certains, il est presque naturel d’essayer d’aller chercher un futur
meilleur sur le sol de l’ex-puissance coloniale. Mais rapidement on se
heurte à mille et une barrières. Même y aller faire du tourisme devient
une mission quasi impossible pour les peuples des pays dominés par
l’impérialisme. Alors, les alternatives ne sont pas nombreuses. Beaucoup
n’ont d’autre choix que d’y aller et d’y rester de manière illégale. Et
là c’est la figure du « sans papier » qui apparait. Une autre figure
qui témoigne d’un système barbare. Une figure qui ne mérite que d’être
envoyée à la poubelle de l’histoire comme le système qui l’a créée.
Sans papier, Je suis sans papier Sans papier Je suis sans papier.
Tu es venu chez moi Tu as racheté ma terre Tu as tout pris chez moi Tu m’as arraché ma terre Je n’ai plus rien chez moi Je viens chercher sur ta terre Tu me rejettes chez toi, Je suis exclu sur ta terre… »
(Meiwei, « Je suis sans papiers »)
Bien
que dans les « métropoles » les classes dominantes essayent de
banaliser les discours racistes pour diviser les opprimés entre
« nationaux » et « étrangers », cette terrible réalité d’une grande
partie de la classe ouvrière et des classes populaires en général crée
évidemment de larges solidarités parmi la population des pays centraux.
On a pu voir comment en Allemagne ou en Autriche cette semaine différentes actions de solidarité se sont développées. Même Merkel a dû adopter une stratégie de communication soi-disant bienveillante vis-à-vis des réfugiés… tout en profitant pour faire passer des lois qui rendent encore plus difficile l’obtention de l’asile en Allemagne.
En ce sens, la chanson « Né quelque part » de Maxime
Le Forestier représente un plaidoyer pour l’égalité entre les étrangers
et les « nationaux ». Il nous dit :
Etre né quelque part. Etre né quelque part C’est toujours un hasard
(…)
Est-ce que les gens naissent Egaux en droits A l’endroit Où ils naissent ? »
Précisément,
face à tant de barbarie et de souffrance dont on a été témoins ces
dernières semaines, mais qui sont une réalité qui dure depuis des
années, nous ne pouvons que revendiquer l’ouverture des frontières et
l’accueil de tous les migrants sans distinction. C’est aussi ce qui est
affirmé dans la chanson de Tiken Jah Fakoly « Ouvrez les frontières » :
Ouvrez les frontières, ouvrez les frontières Ouvrez les frontières, ouvrez les frontières
Nous aussi on veut connaître la chance d’étudier, La chance de voir nos rêves se réaliser, Avoir un beau métier, pouvoir voyager, Connaître ce que vous appelez liberté.
On veut que nos familles ne manquent plus de rien, On veut avoir cette vie où l’on mange à sa faim, On veut quitter cette misère quotidienne pour de bon, On veut partir d’ici car nous sommes tous en train de péter les plombs ! »
Au
contraire de tout ce qui a pu être dit des dernières décennies sur « la
fin des frontières », de la « mondialisation », du « village global »,
nous voyons très clairement que les frontières et l’oppression des
populations étrangères sont une partie structurelle du capitalisme dans
les puissances impérialistes. Des groupes et partis d’extrême droite
répètent que les problèmes de la population seraient dus au
« mondialisme », au manque de « protection des frontières ». Mais la
réalité est toute autre : les problèmes des classes populaires viennent
précisément du maintien des frontières nationales et du capitalisme
lui-même et non de nos frères et sœurs venus d’ailleurs. En ce sens,
nous pouvons affirmer comme HK Les Saltimbanks dans leur chanson
« Citoyen du monde » : « Par-delà les frontières, la Terre doit appartenir à tous ou à personne ! ».
Wo Yo Wo Yo Yo Yo, Citoyens du Monde, partisan d’un Monde sans Frontières
Il y a le bon étranger, celui que tu accueilles les bras grands ouverts. Et il y a le mauvais, celui que tu pourchasses dès qu’il a franchi ta frontière. Il y a le bon, celui qui te sera utile. Et il y a le truand, celui que tu ne veux surtout pas voir arriver dans ta ville. Si tu cherchais la brute, va là où on parle dollar, cash et pétrole brut. Mais ne cherche surtout pas le sherif, je l’ai shooté quand il m’a dit qu’il ne défendait que les riches.
Wo Yo Wo Yo Yo Yo, Citoyens du Monde, partisan d’un Monde sans Frontières
Et si ta part ne suffit pas, tu en prendras d’autres sans avoir à te battre. Il y a tellement de petits sur cette Terre, tellement facile à abattre. Vois toutes ces frontières ce ne sont que de sombres cicatrices ; Plaies ouvertes d’anciennes conquêtes, vestiges de vains sacrifices. Tant de pauvres soldats envoyés au charbon sont morts...
Quand bien au chaud la victoire était fêtée au champagne, par leurs colonels. Il y a qu’un seul rêve que je poursuive ; qu’une seule phrase qui en moi résonne :Par-delà les frontières, la Terre doit appartenir à tous ou à p ersonne ! »
(HK Les Saltimbanks, « Citoyen Du Monde »)
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