Philippe Alcoy
Publié le 9 septembre 2015
Source: Révolution Permanente
En matière de bellicisme, on ne peut pas dire que François Hollande ne tienne pas ses engagements. Moins de 24h après son annonce lundi 7 sur une nouvelle intervention militaire française,
des Rafales survolaient déjà la Syrie. Objectif officiel :
reconnaissance du terrain et obtention d’informations en vue de frappes
ciblées contre Daesh pour mettre fin aux déplacements des populations
locales et empêcher des attentats sur le sol français. Ainsi, le
gouvernement PS élargit la zone géographique d’intervention militaire
contre l’Etat Islamique, qui se développe depuis un an en Irak.
Cependant, ces annonces relèvent plutôt de l’ordre
du symbolique. En effet, militairement les frappes aériennes n’ont
presque aucune efficacité : après 200 frappes en un an en Irak, l’armée
française n’a réussi à faire reculer Daesh en rien. Alors, quels sont
les objectifs réels de cette nouvelle guerre de Hollande et du PS ?
Facteurs internes
On
peut commencer par mentionner les enjeux nationaux. Depuis qu’il est
arrivé au pouvoir en 2012, François Hollande mène en moyenne une guerre
par an. Et effectivement, ce rôle de « président chef militaire » lui
permet de se créer une image « d’Homme d’Etat » très souvent malmenée
par sa politique interne. Cela a été le cas lors des interventions au
Mali, en Centrafrique et en Irak. Ensuite, les attentats de janvier
dernier ont offert l’opportunité en or au président, suite à une
opération de communication réussie, de relancer sa course à la
réélection en 2017.
Aujourd’hui, au milieu d’une crise migratoire
catastrophique, Hollande utilise le drame de milliers de migrants et
réfugiés échappant à la guerre et/ou à la misère pour justifier sa
politique guerrière… sur fond de lancement de campagne électorale. Il
s’appuie également sur une opinion publique effrayée par le chômage
massif et les manipulations xénophobes de l’extrême droite mais aussi du
PS et des Républicains : selon un sondage, en France, 61% des personnes
seraient favorables à une intervention militaire en Syrie ; presque
autant serait contre l’accueil des migrants.
Ainsi, le gouvernement PS essaye d’aller dans le sens
du vent. Et avec raison. Un autre sondage indiquerait que François
Hollande serait relégué à la troisième position et exclu du deuxième
tour en 2017. L’écart entre le PS et le deuxième, Les Républicains de
Sarkozy, serait de 6% et entre 8% et 10% avec le premier, le FN de
Marine Le Pen.
Objectifs géopolitiques
Mais
l’intervention militaire française en Syrie-Irak vise également des
objectifs géopolitiques à moyen terme dans la région. En effet, il
existe un large consensus au sein de la caste politicienne française, de
« gauche » comme de droite, sur la politique guerrière. Avec
l’accélération de la crise économique et un déclin relatif de
l’impérialisme français sur l’arène mondiale il devient fondamental pour
les intérêts des capitalistes français de s’assurer de nouveaux marchés
et de défendre les places acquises, notamment dans les territoires qui
connaissent une certaine reconfiguration géopolitique (comme cela a été
le cas avec la Lybie).
Depuis plusieurs mois il devient de plus en plus
clair que pour infliger une défaite à Bachar Al-Assad en Syrie les
frappes aériennes des armées impérialistes ne suffisent pas et qu’il
faut une intervention au sol. Et la situation est devenue encore plus
complexe avec le surgissement de différents groupes islamistes dont
Daesh est le plus puissant. Cependant, malgré les cris de la droite
française qui exige une intervention terrestre de la France en Syrie,
aucune puissance impérialiste ne veut, pour le moment, aller jusque là.
Le fiasco de l’Afghanistan et surtout de l’Irak ont marqué les esprits,
notamment de l’impérialisme nord-américain.
L’option de l’intervention militaire avec des troupes
au sol est délicate également par le rôle de la Russie qui soutient
ouvertement le régime syrien et qui vient de reconnaitre qu’en plus de
l’aide matérielle, la Russie a aussi envoyé (au minimum) des conseillers
militaires en Syrie.
Ce qui se profile donc c’est, d’une part, une
intervention coordonnée de différentes puissances impérialistes, avec
l’accord tacite d’Al-Assad, contre Daesh ; et d’autre part, la tentative
d’une solution négociée à la crise syrienne. En ce sens, un plus grand
engagement de l’armée française dans la guerre pourrait lui donner une
place plus importante dans la table de négociations. Un article récent du Monde va en ce sens également : « C’est
pour conserver la sacro-sainte ‘autonomie de décision et d’action’
française et, demain, espérer peser dans le règlement de la crise
syrienne, que Paris veut s’investir davantage en Syrie ».
Comme on le voit, les objectifs (internes et
externes) de cette nouvelle guerre de Hollande sont purement
réactionnaires. Les puissances impérialistes essayent de rétablir un
semblant de « stabilité » dans une région submergée dans le chaos, un
chaos largement provoqué par les interventions des puissances
occidentales. La France est dans la première ligne de ce « club » de
pays impérialistes. Et son plus grand engagement en Syrie-Irak, loin
d’amener la « stabilité », ne va faire qu’ajouter des souffrances pour
les populations locales.
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