Philippe Alcoy
Source: Révolution Permanente
25.000 personnes selon la presse et la police
grecque, surement au moins le double, se sont rassemblées vendredi 3
juillet en face du parlement hellénique pour dire « NON » aux
injonctions de la Troïka. Presque autant, à quelques mètres de là,
manifestaient pour le « OUI ». Expression des pronostics serrés pour le
vote de dimanche, ces rassemblements sont aussi la traduction d’un
processus de polarisation de la société grecque.
Deux campagnes très polarisées
Depuis mercredi, jour où les dernières tentatives de négociation de Tsipras avec la Troïka ont échoué
et que la tenue du référendum a été confirmée, ce sont avant tout les
échos d’une campagne furieuse pour le « oui » qui se font entendre. Le
grand patronat grec, allié de la Troïka, et la presse mènent une grande
offensive pour que le « oui » l’emporte dimanche. Plusieurs témoignages
de travailleurs évoquent des arriérés de salaires autant que des
pressions pour que les salariés « votent bien » au référendum. Certains
patrons affirment que si le « non » l’emporte ils seraient « obligés »
de fermer leurs entreprises. Les organisations patronales ont même mis
en garde sur le fait qu’une possible victoire du « non » menacerait les
2,5 millions d’emplois dans le secteur privé.
Les partis pro-Troïka (ND et PASOK), responsables
dans une très grande mesure de l’état économique catastrophique du pays,
mènent aussi campagne pour le « oui ». Selon eux ce serait « le futur
européen » de la Grèce qui serait menacé. Le nouveau parti libéral
Potami s’est joint à eux. De même, honteusement, la direction de la
puissante centrale syndicale du secteur privé GSEE, sur la direction de
laquelle le PASOK et ND ont une influence déterminante, a rejoint le
camp du « oui ».
Dans le camp d’en face nous trouvons à côté de Syriza
plusieurs organisations et groupes d’extrême gauche, comme la coalition
anticapitaliste Antarsya, qui appellent à voter « non » tout en se
différenciant du gouvernement dirigé par Alexis Tsipras. Et à la
différence de la centrale des salariés du privé, le puissant syndicat
des fonctionnaires ADEDY s’est positionné publiquement pour le « non ».
Alors que Tsipras n’a de cesse de répéter que la
victoire du « non » doit renforcer la position de son gouvernement face
aux créanciers, qu’en cas de victoire du « non » il y aurait un accord
avec la Troïka dans 48h, les organisations à sa gauche déclarent mettre
l’accent sur les mobilisations contre tout type de mesure d’austérité.
Cependant, exceptés quelques petites manifestations ou meetings, pour le
moment aucune dynamique importante de mobilisation indépendante du
gouvernement ne semble se développer.
Quant au parti communiste, le KKE, il dénonce aussi
bien l’austérité imposée par la Troïka que les accords que Syriza se dit
prêt à signer. Présentant le référendum comme un piège il invite ses
adhérents et sympathisants à voter nul ce dimanche. Toute « radicale »
que puisse paraître cette position, et même si le référendum apparaît
comme une sorte d’impasse pour les classes populaires, l’orientation du
KKE continue à être marquée par l’autoproclamation et le refus
systématique de construire un front unique des organisations du
mouvement ouvrier à la gauche du gouvernement et indépendantes de
celui-ci pour s’opposer précisément aux politiques qu’il dénonce. En ce
sens sa politique depuis plusieurs années à constitué et constitue
encore un obstacle à l’unification du camp des exploités et des
opprimés.
Incertitude et instabilité
Une seule certitude pour lundi matin prochain :
l’instabilité politique et économique va continuer, voire s’approfondir,
quel que soit le résultat du référendum. Les différents sondages
donnent parfois le « non » en tête, d’autres le « oui », mais toujours
avec des scores très serrés. Beaucoup d’indécisions persistent. Et les
hésitations pendant la semaine de Tsipras et de son gouvernement n’ont
évidemment fait que semer encore des doutes.
Alors que la campagne de propagande des capitalistes se poursuit à quelques heures du vote, ce vendredi soir le Financial Times a publié une information selon laquelle la Grèce serait en train de préparer un plan de « sauvetage interne »
en confisquant 30% des épargnes des comptes de plus de 8.000 euros. Ce
que le ministre de l’économie grec Yanis Varoufakis a tout de suite
démenti sur son compte Twitter, affirmant qu’il s’agissait d’une rumeur
que l’Association des Banques Grecques avait elle-même démentie dès le
vendredi matin.
Etant donné la radicalité de la mesure on peut
effectivement se demander s’il s’agit d’un plan qui serait actuellement
réellement étudié par les banques grecques, ou s’il s’agit tout
simplement d’une manœuvre des médias impérialistes pour ajouter encore
plus d’incertitude et de nervosité dans la situation.
Quoi qu’il en soit, et quel que soit le résultat du
référendum il semble peu probable que les banques grecques rouvrent dès
lundi ou mardi prochains. Le plus vraisemblable est qu’elles ne
rouvriront qu’une fois qu’un nouvel accord sera signé avec la Troïka… si
jamais un accord peut être trouvé.
Mais pour le moment, les expectatives portent avant
tout sur ce qui va se passer dimanche. La population, malgré les
limitations de retrait d’argent, semble calme. Cependant, il est trop
tôt pour affirmer que ce calme relatif va perdurer. Au contraire, ces
rassemblements massifs qui se sont tenus vendredi soir montrent une
polarisation grandissante de la société, qui inquiète certains
analystes. C’est ainsi que le journal conservateur grec Kathimerini
exprimait ses craintes face à cette situation : « cela aurait été bien
d’avoir plus d’une semaine pour mener ce débat [sur les mesures
d’austérité], mais peut-être aurions-nous assisté, dans ce cas, à encore
plus de polarisation et d’incertitude ».
Au-delà du résultat du référendum, la question
centrale pour la classe ouvrière, la jeunesse et l’ensemble des opprimés
sera de développer une dynamique de lutte et de mobilisation
indépendantes du gouvernement pour, ainsi, pouvoir lutter contre les
attaques des capitalistes locaux et de la Troïka.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire