Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Alors
que les négociations entre le gouvernement Syriza-Anel et la Troïka sur
un accord pour le versement de la dernière tranche du plan de
« sauvetage » du pays se poursuivent, lundi 11 mai, la Grèce a
remboursé 750 millions d’euros au FMI. Après l’Eurogroupe du 24 avril et
le remaniement de l’équipe de négociation avec la Troïka, qui a écarté
Yanis Varoufakis, il semble y avoir une meilleure entente avec les
dirigeants de l’UE. Selon Tsipras un accord pourrait être même trouvé
d’ici la fin du mois. Cependant, il resterait encore des points de
divergence, notamment des « lignes rouges » infranchissables.
Selon la presse
les points sur lesquels la Grèce et la Troïka seraient en train de
négocier seraient les perspectives de croissance pour les années à
venir, des objectifs fiscaux, la réforme du système de pensions et une
libéralisation du code du travail.
C’est sur ces deux derniers points que les
négociations bloqueraient. Le gouvernement grec se rend compte en effet
que s’attaquer au régime de retraites ainsi que flexibiliser le marché
du travail pourraient se révéler très couteux politiquement parlant.
Cela ne l’a pas empêché de céder sur d’autres plans comme le report de
l’augmentation du smic au moins jusqu’en 2016 ou la privatisation du
port du Pirée qui serait cédé à 51% à l’entreprise chinoise Cosco.
Le remboursement au FMI s’inscrit dans cette même
dynamique consistant à faire des gestes en direction des créanciers du
pays et montrer « la bonne volonté » d’Athènes de respecter ses
engagements. Ainsi, des 750 millions d’euros payés au FMI le
gouvernement grec a puisé 600 millions d’euros d’un fonds d’urgence de
la Banque Centrale Grecque. Mais ce n’est pas fini car le prochain
remboursement important de la Grèce interviendra le 5 juin avec un
paiement de 302,5 millions d’euros au FMI, suivi de quatre versements
d’un montant entre 340 à 567 millions prévus d’ici le 19 juin.
Les impérialistes parient sur l’asphyxie financière d’Athènes
Anatole Kaletsky, président de l’Institute of New Economic Thinking, dans un article récent,
considère qu’il y aurait une alternative beaucoup plus intéressante
pour les puissances centrales de l’UE qu’un « Grexit ». Pour lui, il
faudrait « piéger la Grèce à l’intérieur de la zone euro, lui fermer
l’accès au financement à travers le crédit et ensuite juste regarder
comment le soutien domestique au gouvernement de Tsipras s’effondre(…)
Ce serait la meilleure technique de l’UE pour briser la résistance
grecque ». Cyniquement il conclut que « plutôt qu’expulser la Grèce de la zone euro, il faudrait expulser Syriza du gouvernement grec ».
Effectivement, même si les dirigeants européens se
gardent d’exprimer leur point de vue aussi clairement par rapport à la
Grèce, c’est cette ligne qui semble être adoptée, au moins depuis la
signature de l’accord du 20 février. C’est cela qui expliquerait la
lenteur à trouver une « solution » avec les négociateurs grecs malgré
tous les gages offerts par ces derniers.
Un référendum sur l’austérité ?
Mais ce moyen de pression pourrait avoir un autre
objectif que celui de la chute de la coalition au pouvoir en Grèce : son
« recentrage politique ». Comme l’affirme le journal du capital
financer français, Les Echos : « Alexis
Tsipras est de plus en plus coincé entre ses caisses vides et ses
promesses électorales (…) Il garde encore un soutien majoritaire, mais
sa cote de popularité est passée de 82% en février à 54%, selon un
sondage du week-end. Et pour rassurer les Européens, plus de 70 % des
Grecs déclarent vouloir rester dans l’euro, et si la question était
soumise à référendum, 49,2% d’entre eux accepteraient de nouvelles
coupes dans les salaires et les retraites si cela permettait au pays de
rester dans l’euro. Un référendum pourrait donc permettre à Alexis
Tsipras d’opérer le virage tant attendu par ses partenaires vers le
centre gauche ».
Dans ce contexte il n’est pas étonnant que les
dirigeants impérialistes aient multiplié les déclarations favorables à
un référendum en Grèce sur les mesures d’austérité à adopter. Et
pourtant il s’agit des mêmes dirigeants qui avaient fait tomber le
gouvernement de Yorgos Papandréou en 2011 quand celui-ci avait essayé
d’appeler à un référendum afin de mettre la pression sur la Troïka.
Quant aux dirigeants de Syriza, ils ne semblent aucunement fermés à
cette option. Ils seraient en train de l’évaluer, même s’ils ne
disposent pas de beaucoup de temps.
Mais si le référendum se confirmait il représenterait
une façon de « légitimer » un programme d’austérité à la « sauce
Syriza » ; une façon de faire « accepter » par les masses les attaques
de la Troïka tout en limitant au maximum leur résistance. Le risque de
démoralisation de la part des classes populaires serait grand. Autrement
dit, une victoire énorme pour les impérialistes, tout particulièrement
s’agissant d’un gouvernement qui est arrivé au pouvoir avec un discours
« anti-austéritaire ». Cependant cette option représenterait aussi un
pari très risqué pour Syriza. C’est pour cela que, même si cela semble
très peu probable, on ne peut pas exclure que Syriza essaye d’utiliser
un éventuel référendum contre la pression de la Troïka.
Faire front et se mobiliser pour l’annulation de la dette
Dans ce contexte il devient fondamental pour les
organisations du mouvement ouvrier et de l’extrême-gauche de constituer
un front uni contre le chantage et les attaques de la Troïka et de la
bourgeoisie locale mais aussi pour s’opposer à la politique actuelle du
gouvernement Syriza-Anel qui consiste à avoir accepté la logique des
« plans d’austérité ».
Pour cela il va falloir rejeter tout sectarisme mais
aussi avec toute ambiguïté sur une possible « réorientation à gauche »
du gouvernement grec. Au contraire, il faut reprendre les mobilisations
dans les usines, les entreprises, les administrations, dans les lieux
d’étude, etc. contre les mesures d’austérité, contre le payement de la
dette, contre les licenciements et le chômage et pour reprendre tout ce
que les classes populaires ont perdu en termes d’acquis sociaux depuis
le début de la crise. Ce serait un premier pas pour préparer des luttes
offensives de la classe ouvrière et de l’ensemble des opprimés.
Mais la lutte contre les attaques de la Troïka et ses
partenaires locaux exige aussi la solidarité internationaliste du
mouvement ouvrier en Europe. Pour cela il est urgent de relancer la
campagne pour l’annulation de la dette grecque.
C’est la ligne que nous défendons, au sein du NPA,
depuis plusieurs mois, sans qu’elle n’ait été, malheureusement, le plus
souvent, reprise jusqu’à présent.
Pour nous l’annulation de la dette grecque n’est pas
seulement une question de solidarité avec les travailleurs et les masses
de Grèce mais aussi une question de défense de nos propres intérêts ici
en France. Car depuis le début de la crise le remboursement de la dette
des Etats est utilisée comme prétexte pour imposer des mesures
d’austérité dans l’ensemble des pays européens.
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