Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Ce dimanche 5 octobre les secteurs anti-LGBT se sont à
nouveau mobilisés massivement dans les rues de Paris. Venus des
différents coins de la France, entre 70.000 (selon la police) et 500.000
personnes (selon les organisateurs) ont participé à la manifestation
dans la capitale, et entre 5.000 et 30.000 personnes à Bordeaux. Leur
principale revendication était « l’interdiction universelle » de la GPA
(Gestion Pour Autrui), mais aussi l’interdiction de la PMA pour les
couples lesbiens et de l’enseignement de la soi-disant « idéologie du
genre » dans les écoles. Bien évidemment, dans le fond ce que certains
cherchent c’est l’abrogation pure et simple de la loi du « mariage pour
tous ».
Au-delà des
chiffres délirants avancés par le collectif de la « Manif pour tous »,
c’est un fait indéniable que les secteurs les plus conservateurs et
réactionnaires de la société française, majoritairement issus des
classes aisées catholiques, ont à nouveau fait une démonstration de
force. Ils entendent « résister » aux lois votées par le PS et qui vont
dans le sens de réduire (au moins formellement) les inégalités entre
couples homosexuels et hétérosexuels.
Une lutte imaginaire ?
Si avant le vote du « mariage pour tous » l’objectif
des manifestants était clair, on ne peut plus dire la même chose
aujourd’hui. Et cela n’est pas parce que les revendications de la
« Manif pour Tous » ne sont pas clairement formulées mais parce qu’elles
visent des situations inexistantes.
A propos de leur revendication principale, la lutte
pour l’interdiction de la GPA, en France celle-ci n’a jamais été permise
et il n’est aucunement dans les plans du gouvernement de la légaliser,
ce que Valls s’est empressé de réaffirmer. En réalité, ce qui a servi de
prétexte à la mobilisation, c’est une décision de la Cour Européenne
des Droits Humains de condamner la France pour refus de nationalité à
des enfants de parents français nés de mères porteuses dans des pays où
la pratique est légale.
Le caractère réactionnaire de ces secteurs est tel
qu’un droit démocratique aussi essentiel comme la reconnaissance par
l’Etat de ces enfants nés par GPA (au-delà de l’opinion que l’on peut
avoir sur la question) leur semble « une menace pour la famille
traditionnelle »… Et ce au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant » !
Quant à la promesse de campagne de Hollande d’ouvrir
la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples lesbiens, cela
fait bien longtemps qu’elle est tombée aux oubliettes, le gouvernement
ayant refusé de l’inclure dans la loi du « mariage pour tous », puis
ayant suspendu son projet de loi famille pour éviter d’avoir à traiter
le sujet. Ainsi, la PMA reste limitée aux couples hétérosexuels
cliniquement infertiles ou dont l’un des membres est atteint d’une
pathologie grave qu’il risquerait de transmettre à l’enfant. Et le
gouvernement ne semble pas du tout envisager de faire évoluer cette
situation.
De même, l’enseignement de ce qu’ils appellent la
« théorie/idéologie du genre » dans les écoles ne relève que du mythe.
Les rares programmes qui cherchent à remettre en question les rôles
sociaux assignés par la société aux hommes et aux femmes dans les écoles
françaises sont complètement marginaux. En fait, ce serait prêter à
Hollande un caractère trop « progressiste » que de penser que son
intention serait de généraliser de tels programmes.
Cependant, malgré le fait qu’en France la majorité de
la population se prononce pour le « mariage pour tous » (60%), y
compris parmi les sympathisants de droite, cette nouvelle action
confirme qu’une tendance catholique ultra-conservatrice s’installe
durablement dans le paysage politique en France. Il s’agit sans aucun
doute d’une donnée inquiétante, même si on ne peut pas écarter la
possibilité que leurs arguments ne réussissent pas à se séparer de cette
image caricaturale d’une droite sclérosée, auquel cas il est peu
probable que leur influence ne parvienne à s’étendre au-delà des classes
aisées catholiques.
Concessions de Valls, contradictions de l’UMP
Malgré le ridicule des arguments des secteurs
anti-LGBT, le fait qu’ils se mobilisent par milliers contre Hollande a
suffit à faire fléchir le gouvernement. Ainsi, quelques jours avant la
manifestation, Valls déclarait au journal catholique La Croix que « [le
gouvernement] entend promouvoir une initiative internationale qui
pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA
n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants
des pays qui l’interdisent ».
L’UMP de son côté essaye de capitaliser ce
mécontentement par la droite contre le gouvernement mais se trouve
divisée. Une partie de ses dirigeants se prononce ouvertement pour
l’abrogation de la loi du mariage pour tous ; d’autres disent qu’il est
impossible de revenir dessus et se limitent à manifester contre la GPA
et la PMA. Un sujet de plus qui s’ajoute à la guerre fractionnelle pour
la direction du parti.
Le FN, lui, se pointe aux manifs mais timidement :
même si sa participation a été plus forte que lors des précédentes
manifestations anti-LGBT, son cortège ne dépassait pas 150-200
personnes.
Quoi qu’il en soit, pour faire vraiment reculer les
homophobes, les réactionnaires et conservateurs de tout poil, le FN,
l’UMP et le gouvernement Hollande, les travailleurs et travailleuses
exploités et opprimés de France n’ont d’autre solution que de lutter et
se mobiliser eux-mêmes pour leurs intérêts de classe et leurs
revendications sociales et politiques.
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