Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Au huitième jour de la grève, lundi 22 septembre, la
direction d’Air France a essayé de mettre en place une manœuvre :
reporter de quelques mois son plan stratégique de développement de sa
filiale low cost Transavia pour faire baisser la pression et désamorcer
la grève. Les pilotes, qui samedi avaient reconduit leur mouvement, ont
pris ces déclarations comme une provocation. Alors que les négociations
se trouvent bloquées et le bras de fer entre la direction de
l’entreprise et les syndicats est plus dur que jamais, la nervosité
commence à gagner les hautes sphères de l’Etat et certains secteurs du
patronat.
Il n’y a aucun
doute que la grève des pilotes d’Air France est en train de frapper là
où ça fait mal : les profits des patrons. On estime que l’entreprise a
perdu près de 160 millions d’euros depuis le début de la grève.
Contrairement à ce que la direction voulait faire croire, les vols d’Air
France sont très perturbés : entre 50% et 40% seulement des vols sont
assurés (et dans certaines régions la situation est pire).
C’est donc cette situation catastrophique a amené la
direction à annoncer la « suspension » jusqu’en décembre du
développement de Transavia Europe. Toute la presse bourgeoise s’est
empressée de présenter cette déclaration comme une « victoire » pour les
pilotes... mais ceux-ci ont vu clair dans la manœuvre. En effet, même
si on suspendait (seulement de 3 mois) le développement de Transavia
Europe (qui impliquera l’ouverture de bases au Portugal et en Allemagne
où la protection des salariés est plus « flexible »), Air France
augmenterait dès maintenant la flotte de Transavia en France et aux
Pays-Bas. Celle-ci passerait ainsi de 14 à 37 avions, comme c’était
prévu dès le début par la direction d’Air France.
Une grève de plus en plus politique
« Nous bénéficions d’un total soutien du
gouvernement, qui s’est exprimé sans ambiguïté », a déclaré Alexandre de
Juniac le président du groupe Air France-KLM. Effectivement, des hauts
représentants du gouvernement et du PS se sont prononcés « sans
ambiguïté » contre la grève : « Il faut arrêter cette grève qui pèse
lourdement sur Air France, qui pèse aussi sur ses finances, qui pèse sur
l’attractivité et l’image de notre pays », déclarait Valls ; « on ne
peut plus accepter qu’un pays soit bloqué par quelques-uns (...) Je
pense que la grève doit s’arrêter », s’indignait Emmanuel Macron,
ministre de l’économie.
Se mettant en première ligne, coude à coude avec la
direction d’Air France, Hollande et son gouvernement s’exposent aux
impacts de la grève des pilotes. En même temps, cela peut donner un
caractère plus « populaire » à la lutte des pilotes parmi les
travailleurs (comme cela avait été le cas de la grève de la SNCF en juin
dernier). Mais un gouvernement aussi faible peut-il se donner le
« luxe » de s’exposer ainsi dans un conflit aussi dur que celui d’Air
France ? En tout cas, ce qui est clair c’est que le PS a besoin
d’apparaitre aux yeux des capitalistes comme un parti « dur » face aux
luttes des travailleur-se-s.
Un symbole de la lutte contre les délocalisations et la précarisation qui concerne tou-te-s les travailleur-se-s
La grève des pilotes d’Air France est en train de
devenir un exemple de lutte contre les plans de délocalisation et de
précarisation mis en œuvre par le patronat dans le contexte de la crise
économique qui touche la France et l’Europe. Contrairement à ce
qu’affirment les médias, reprenant les arguments de la direction qui
qualifie les pilotes comme des « privilégiés » pour briser la grève,
nous considérons complètement légitime que les travailleur-se-s, y
compris les plus qualifié-e-s, défendent leurs acquis. Ce ne sont pas
les salaires corrects qui sont responsables des bas salaires mais
l’exploitation capitaliste qui veut niveler vers le bas les salaires de
toute la classe ouvrière.
Le gouvernement et le patronat sont conscients du
danger que cette grève représente pour leurs intérêts. Ils savent que
cette lutte pourrait devenir un point d’appui pour les pilotes d’autres
compagnies aériennes qui en Europe subissent les mêmes plans, telles que
Lufthansa où les travailleurs ont mené plusieurs grèves dans la
dernière période. Mais d’autres catégories du secteur aéronautique, des
transports en général et de l’ensemble de la classe ouvrière, pourraient
aussi s’inspirer de la grève des pilotes.
Les pilotes doivent gagner !
La lutte d’Air France rentre dans une semaine
décisive. Le patronat et le gouvernement, avec le soutien des centrales
syndicales collaborationnistes comme la CFDT (qui a une influence plus
grande parmi le personnel au sol) essayent d’isoler les pilotes du reste
des travailleur-se-s en les présentant comme des « privilégié-e-s ». De
leur côté, les médias contribuent de toutes leurs forces à la campagne
de « diabolisation » de la grève, pour encourager son rejet dans
l’opinion publique.
Pour rompre cette tentative d’isolement il est
fondamental que les pilotes, qui occupent une position stratégique,
essayent de s’allier et de mobiliser l’ensemble des autres catégories du
secteur aéronautique, notamment le personnel au sol et le personnel
navigant, qui a énormément souffert de la déstructuration subie par le
secteur ces dernières années. L’alliance entre les pilotes qui, même de
façon très inégale selon les compagnies et statuts, jouissent de
conditions de travail plus correctes, et les salarié-e-s les plus
précaires, exploité-e-s et avec des salaires de misère, est stratégique
pour lutter pour la fin de la surexploitation et les délocalisations
dans le secteur.
Face au discours sur « l’inévitabilité » du
développement du low cost pour garantir la survie de l’entreprise et que
les usagers puissent voyager à bas prix, l’ensemble des salarié-e-s
d’Air France ne peuvent faire aucune confiance au gouvernement qui s’est
déjà prononcé pour le patronat. Il faut exiger la nationalisation sans
indemnisation ni rachat et sous contrôle des travailleurs et des usagers
d’air France. C’est la seule façon de garantir un service de qualité,
sûr, accessible pour les classes populaires, où les salarié-e-s puissent
compter sur de bonnes conditions de travail et des salaires corrects.
Comme l’histoire des entreprises d’Etat le démontre,
il est indispensable de revendiquer que leur gestion soit assurée par
les travailleur-se-s et les usagers et non par des hauts fonctionnaires
d’Etat qui préparent le terrain pour les privatisations et se placent
comme relais des exploiteurs capitalistes.
Quoi qu’il en soit, il est clair d’ores et déjà que
le résultat de la lutte des pilotes d’Air France aura des conséquences
pour l’ensemble de la classe ouvrière en France.
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