23.9.14

Grève des pilotes d’Air France : une lutte emblématique contre les délocalisations et la précarisation




Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA

Au huitième jour de la grève, lundi 22 septembre, la direction d’Air France a essayé de mettre en place une manœuvre : reporter de quelques mois son plan stratégique de développement de sa filiale low cost Transavia pour faire baisser la pression et désamorcer la grève. Les pilotes, qui samedi avaient reconduit leur mouvement, ont pris ces déclarations comme une provocation. Alors que les négociations se trouvent bloquées et le bras de fer entre la direction de l’entreprise et les syndicats est plus dur que jamais, la nervosité commence à gagner les hautes sphères de l’Etat et certains secteurs du patronat.


Il n’y a aucun doute que la grève des pilotes d’Air France est en train de frapper là où ça fait mal : les profits des patrons. On estime que l’entreprise a perdu près de 160 millions d’euros depuis le début de la grève. Contrairement à ce que la direction voulait faire croire, les vols d’Air France sont très perturbés : entre 50% et 40% seulement des vols sont assurés (et dans certaines régions la situation est pire).

C’est donc cette situation catastrophique a amené la direction à annoncer la « suspension » jusqu’en décembre du développement de Transavia Europe. Toute la presse bourgeoise s’est empressée de présenter cette déclaration comme une « victoire » pour les pilotes... mais ceux-ci ont vu clair dans la manœuvre. En effet, même si on suspendait (seulement de 3 mois) le développement de Transavia Europe (qui impliquera l’ouverture de bases au Portugal et en Allemagne où la protection des salariés est plus « flexible »), Air France augmenterait dès maintenant la flotte de Transavia en France et aux Pays-Bas. Celle-ci passerait ainsi de 14 à 37 avions, comme c’était prévu dès le début par la direction d’Air France.

Une grève de plus en plus politique


« Nous bénéficions d’un total soutien du gouvernement, qui s’est exprimé sans ambiguïté », a déclaré Alexandre de Juniac le président du groupe Air France-KLM. Effectivement, des hauts représentants du gouvernement et du PS se sont prononcés « sans ambiguïté » contre la grève : « Il faut arrêter cette grève qui pèse lourdement sur Air France, qui pèse aussi sur ses finances, qui pèse sur l’attractivité et l’image de notre pays », déclarait Valls ; « on ne peut plus accepter qu’un pays soit bloqué par quelques-uns (...) Je pense que la grève doit s’arrêter », s’indignait Emmanuel Macron, ministre de l’économie.

Se mettant en première ligne, coude à coude avec la direction d’Air France, Hollande et son gouvernement s’exposent aux impacts de la grève des pilotes. En même temps, cela peut donner un caractère plus « populaire » à la lutte des pilotes parmi les travailleurs (comme cela avait été le cas de la grève de la SNCF en juin dernier). Mais un gouvernement aussi faible peut-il se donner le « luxe » de s’exposer ainsi dans un conflit aussi dur que celui d’Air France ? En tout cas, ce qui est clair c’est que le PS a besoin d’apparaitre aux yeux des capitalistes comme un parti « dur » face aux luttes des travailleur-se-s.

Un symbole de la lutte contre les délocalisations et la précarisation qui concerne tou-te-s les travailleur-se-s


La grève des pilotes d’Air France est en train de devenir un exemple de lutte contre les plans de délocalisation et de précarisation mis en œuvre par le patronat dans le contexte de la crise économique qui touche la France et l’Europe. Contrairement à ce qu’affirment les médias, reprenant les arguments de la direction qui qualifie les pilotes comme des « privilégiés » pour briser la grève, nous considérons complètement légitime que les travailleur-se-s, y compris les plus qualifié-e-s, défendent leurs acquis. Ce ne sont pas les salaires corrects qui sont responsables des bas salaires mais l’exploitation capitaliste qui veut niveler vers le bas les salaires de toute la classe ouvrière.

Le gouvernement et le patronat sont conscients du danger que cette grève représente pour leurs intérêts. Ils savent que cette lutte pourrait devenir un point d’appui pour les pilotes d’autres compagnies aériennes qui en Europe subissent les mêmes plans, telles que Lufthansa où les travailleurs ont mené plusieurs grèves dans la dernière période. Mais d’autres catégories du secteur aéronautique, des transports en général et de l’ensemble de la classe ouvrière, pourraient aussi s’inspirer de la grève des pilotes.

Les pilotes doivent gagner !


La lutte d’Air France rentre dans une semaine décisive. Le patronat et le gouvernement, avec le soutien des centrales syndicales collaborationnistes comme la CFDT (qui a une influence plus grande parmi le personnel au sol) essayent d’isoler les pilotes du reste des travailleur-se-s en les présentant comme des « privilégié-e-s ». De leur côté, les médias contribuent de toutes leurs forces à la campagne de « diabolisation » de la grève, pour encourager son rejet dans l’opinion publique.

Pour rompre cette tentative d’isolement il est fondamental que les pilotes, qui occupent une position stratégique, essayent de s’allier et de mobiliser l’ensemble des autres catégories du secteur aéronautique, notamment le personnel au sol et le personnel navigant, qui a énormément souffert de la déstructuration subie par le secteur ces dernières années. L’alliance entre les pilotes qui, même de façon très inégale selon les compagnies et statuts, jouissent de conditions de travail plus correctes, et les salarié-e-s les plus précaires, exploité-e-s et avec des salaires de misère, est stratégique pour lutter pour la fin de la surexploitation et les délocalisations dans le secteur.

Face au discours sur « l’inévitabilité » du développement du low cost pour garantir la survie de l’entreprise et que les usagers puissent voyager à bas prix, l’ensemble des salarié-e-s d’Air France ne peuvent faire aucune confiance au gouvernement qui s’est déjà prononcé pour le patronat. Il faut exiger la nationalisation sans indemnisation ni rachat et sous contrôle des travailleurs et des usagers d’air France. C’est la seule façon de garantir un service de qualité, sûr, accessible pour les classes populaires, où les salarié-e-s puissent compter sur de bonnes conditions de travail et des salaires corrects.

Comme l’histoire des entreprises d’Etat le démontre, il est indispensable de revendiquer que leur gestion soit assurée par les travailleur-se-s et les usagers et non par des hauts fonctionnaires d’Etat qui préparent le terrain pour les privatisations et se placent comme relais des exploiteurs capitalistes.

Quoi qu’il en soit, il est clair d’ores et déjà que le résultat de la lutte des pilotes d’Air France aura des conséquences pour l’ensemble de la classe ouvrière en France.

22/9/2014.

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