Martin Noda et Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Après Gestamp,
c’est le tour de Lear, une autre entreprise sous-traitante de
l’automobile, de rentrer en lutte. La crise économique s’approfondit en
Argentine et le secteur automobile est un des plus touchés. Ainsi, les
grands constructeurs de l’automobile ont imposé le chômage technique aux
travailleurs. Les sous-traitants n’ont pas seulement adopté cette
politique mais sont allés au-delà en licenciant des ouvriers,
essentiellement les plus combatifs et les délégués syndicaux lutte de
classes. Tout cela a compté avec la complicité de la bureaucratie
syndicale du SMATA [1],
proche du gouvernement de Cristina Kirchner et l’une des plus
corrompues et historiquement plus violentes, qui lors de la dernière
dictature a dénonçait des dizaines d’activistes au pouvoir militaire. Ce
mardi 8 juillet une journée de solidarité avec les travailleurs de Lear
était appelée par plusieurs organisations politiques et sociales. Le
PTS a joué un rôle fundamental dans celle-ci, et elle a été un grand
succès. Malgré ce succès et la sympathie parmi les travailleurs à
l’égard de ce conflit, les travailleurs de Lear n’ont pas encoré pu
rompre le front réactionnaire entre le gouvernement, le bureaucratie
syndicale et l’entreprise impérialiste. Une preuve de cela la forte
répression qui s’est abattue sur les manifestants. Cependant, cela a un
grand coût politique pour l’aile “gauche” de ce gouvernement qui
proclamait être un gouvernement “des Droits de l’Homme”. Au moment où
nous écrivons on parle de plusieurs dizaines de blessés et quelques
arrestations.
Licenciements et chômage technique chez Lear
Lear est une multinationale étatsunienne qui fournit
des sièges ainsi que des câbles pour le circuit électrique des voitures
produites par des constructeurs tels que Ford, Peugeot, etc. Elle
embauche 122.000 personnes à travers le monde reparties en 221 usines
dans 36 pays, dont la France. Le site de Pacheco, dans la banlieue nord
de Buenos Aires, embauche 650 salariés. En 2013, l’entreprise a dégagé
un profit de près de 43 millions d’euros. Lear est également connue par
les fortunes de ses hauts responsables et leur politique antisyndicale
et de surexploitation. Pour donner quelques exemples, elle oblige les
femmes enceintes à travailler toute la journée debout, licencie les
travailleurs qui essayent de monter un syndicat et, dans un site au
Honduras, est même arrivée à exiger aux travailleurs d’utiliser des
couches pour qu’ils ne perdent pas leur temps en allant aux toilettes.
Le 30 juin la direction du site annonce le chômage
technique pour 100 travailleurs pendant un mois. Ce qui impliquait,
contrairement à ce qu’indique la loi, que les salariés ne recevraient
aucune paye [2].
Mais comme rien n’est suffisant pour la direction, 100 travailleurs
supplémentaires ont été licenciés. En tout, un tiers des travailleurs
sont affectés par les licenciements ou le chômage technique.
Le début du conflit
« J’ai les deux bras cassés [et] on m’a jeté à la
rue comme un chien. Où est-ce que je vais retrouver un emploi avec les
bras cassés ? Et comme moi il y a plein d’autres collègues qui sont
détruits par des années de travail. Pour cette entreprise nous sommes
juste un chiffre et quand on ne leur est plus utiles, nous chassent
comme des chiens… ». C’est ainsi qu’une ouvrière de Lear exprimait
son amertume et sa colère dans le piquet devant l’usine face aux
licenciements et les suspensions décidés par l’entreprise.
Face à cette injustice, la réaction ouvrière a été
immédiate avec un débrayage qui a paralysé la production lundi dernier.
On a pu voir des piquets de grève, la solidarité d’autres travailleurs
et des étudiants, et la convergence avec Donnely, une autre entreprise
en grève et qui a été à l’avant-garde des processus de lutte et des
embryons de coordination de la région. Toutes ces mesures visaient à
construire un rapport de forces favorable aux travailleurs. La direction
a répondu avec les seules méthodes qu’elle connaît : elle a empêché les
délégués combatifs de la commission interne d’entrer dans l’usine.
La présence des députés renforce la lutte des travailleurs
Dans le cadre de l’extorsion criminelle de la part du
capital financier le plus parasitaire qui exige le payement de la dette
extérieur argentine, l’attitude de cette entreprise étatsunienne est
perçue comme une provocation. Cela a amené même des députés du bloc
gouvernemental à prendre position pour les travailleurs. C’est ainsi que
mercredi 2 juillet, le congrès de la province de Buenos Aires a voté
une déclaration d’inquiétude face aux licenciements. Le lendemain, une
délégation de députés provinciaux est allée à l’usine. La direction n’a
accepté l’entrée que des députés du gouvernement (de son aile gauche).
Elle n’a pas accepté que Christian Castillo, député du FIT et dirigeant
du PTS puisse entrer. Puis, à l’intérieur, elle n’a permis le contact de
ceux-ci qu’avec des travailleurs alliés de la bureaucratie syndicale.
Cependant, cette manœuvre n’a pas réussi. Les travailleurs en lutte ont
de toute façon pu discuter avec les députés et leur « visite » les a
encouragés.
En même temps, l’attitude du gouvernement et de la
bureaucratie syndicale, qui ont soutenu chacune des mesures illégales
prises par la direction de Lear, a fait que la fraction de la CGT qui
s’oppose au gouvernement déclare son soutien à la lutte des salariés et
que l’un de ses dirigeants soit présent au piquet de grève ce matin. Il
s’agit d’une autre preuve que la lutte contre les capitaux parasitaires
impérialistes a un écho parmi la population soumise à une forte hausse
du chômage.
Succès de la journée nationale de solidarité
C’est dans ce cadre que pour protester contre le
licenciement et la suspension des 200 travailleurs et travailleuses de
Lear une journée nationale de lutte était appelée aujourd’hui mardi 8
juillet. Ainsi, il y a eu des actions de blocage des routes à Buenos
Aires, Rosario, Córdoba, Tucuman, Jujuy, Mendoza, entre autres. Toutes
ces actions ont été menées par les travailleurs de Lear et les
organisations politiques et sociales solidaires : les partis du FIT,
notamment le PTS, les organisations d’étudiants, des syndicats d’usine (comisiones internas),
organisations de défense des Droits de l’Homme, etc. La journée a été
un vrai succès qui a permis faire connaitre au niveau national le
conflit. Le gouvernement a répondu par une forte répression,
spécialement dans la banlieue Nord de Buenos Aires sur l’autoroute Panamericana.
Plusieurs arrestations ont eu lieu et des manifestants ont été blessés,
parmi eux Victoria Moyano, fille de militants « disparus » pendant la
dictature militaire et membre du CEPRODH et du PTS, qui avec d’autres
avocats ont fait face à la répression courageusement.
Après cette brutale répression, le secrétaire
national à la sureté, Sergio Berni, a accusé cyniquement les députés du
FIT « d’organiser et gérer » ces manifestations ; il leur reproche
hypocritement « qu’au lieu de faire des lois pour empêcher [les blocages de routes] ils y participent ».
En outre, le gouvernement est en train de chercher des alliés au
Parlement pour faire passer une loi « anti-piquet » [blocage de routes].
Christian Castillo, député de la province de Buenos Aires pour le FIT
et dirigeant du PTS a répondu ainsi à Berni : « le discours de Berni
cherche à justifier le fait que face aux licenciements et le chômage
technique arbitraire et illégal, le gouvernement n’a rien d’autre à
offrir que la répression contre les travailleurs et leurs familles ainsi
qu’aux organisations de défense des droits de l’Homme, sociales,
étudiantes et politiques qui sont solidaires, comme on a pu voir
aujourd’hui (…) Nous sommes fiers d’accompagner les travailleurs dans
leur lutte contre les licenciements. (…) Les travailleurs de Lear ne
sont pas seuls et sont en train de montrer leur détermination à lutter
pour défendre leurs postes de travail. Les députés du PTS dans le FIT
qui sommes présents à chacune des luttes et qui défendons comme propres
les revendications ouvrières et populaires, redoublons notre engagement
et disons à Berni et son gouvernement qu’ils ne nous font pas peur avec
leurs menaces ».
Alors que la crise continue à s’approfondir en
Argentine et se faire sentir dans des secteurs importants de
l’économique comme l’industrie automobile, les travailleurs comme ceux
et celles de Lear sont en train de dire que ce n’est pas à eux de payer
la crise des capitalistes. Nous continuerons à informer sur cette lutte
très importante (pour suivre l’actualité du conflit –en espagnol- voir :
http://www.pts.org.ar/Despidos-masivos-en-Lear).
Depuis la France, où les travailleurs de l’automobile
subissent des fermetures de sites, des licenciements et des ataques
contre leurs acquis comme celle appliquées à travers l’ANI, ce serait
fundamental d’exprimer notre solidarité en signant la pétition
ci-dessous.
Pétition de solidarité avec les travailleurs argentins de Lear
Nous condamnons les licenciements, les suspensions illégales et les attaques contre les délégués syndicaux de Lear !
A la fin du mois de mai, la multinationale LEAR a mis
à pied 330 travailleurs de manière complètement illégale, pour une
durée indéterminée et sans même lancer la procédure de prévention de
crise pourtant requise par la loi. Les travailleurs ont refusé
d’accepter cette situation, et ont organisé des assemblées et des
blocages routiers, poussant le Ministre du Travail à émettre un décret
reconnaissant que ces suspensions sont illégales.
Pourtant, en dépit de cette décision officielle,
l’entreprise a poursuivi ses attaques en mettant au chômage technique
pour 30 jours, et sans salaire, 200 des 330 travailleurs, et en
licenciant sans indemnités 100 d’entre eux quelques jours plus tard, les
mettant ainsi que leurs familles dans l’incapacité de subvenir à leurs
besoins les plus élémentaires. Cette attaque constitue une violation
contre leurs droits humains fondamentaux et ceux de leurs familles.
Lear Corporation est une compagnie américaine qui
emploie 122 000 salariés sur 226 sites répartis dans 36 pays, et le seul
acheteur des câbles électriques qu’elle produit sur son site de Pacheco
à Buenos Aires, est Ford Argentina, dont la production est restée au
même niveau au cours de la dernière période. Mais Ford a décidé
d’importer d’Amérique centrale et d’Europe une partie importante des
câbles qu’elle achetait auparavant à Lear. Pendant ce temps, le site de
Pacheco subit licenciements et mises à pieds. Les comportements de Lear
et Ford sont d’autant plus injustifiables que le gouvernement argentin
octroie des subventions à l’industrie automobile et vient juste de
lancer un plan (nommé Pro.Cre.Auto) pour stimuler les achats de
voitures, ce qui va naturellement profiter aux deux entreprises.
Lear refuse de payer les salaires de 200 travailleurs
en prétextant une crise financière, alors que rien qu’en 2013, le
montant total de ses ventes au plan mondial s’est élevé à 16,2 billions
de dollars. Dans ce contexte, la direction de Lear a décidé de façon
absolument illégale d’interdire l’accès au site de Pacheco aux membres
de la Commission Interne, laissant les travailleurs sans représentation
syndicale et les privant là aussi de leurs droits fondamentaux.
Nous, signataires de cet appel, protestons contre les
actions de Lear Corporation, monopole jouant avec des millions de
dollars, qui condamne à la misère 200 travailleurs et leurs familles.
Nous exigeons que l’entreprise se soumette aux lois nationales et aux
traités internationaux garantissant le respect des droits de l’homme,
qu’elle mette fin à ces licenciements illégaux, et permette aux
travailleurs de retrouver leur travail.
Envoyez vos signatures à l’adresse : no.to.lear.arg@gmail.com
Parmi les premiers signataires :Adolfo Pérez Esquivel - Prix Nobel de la Paix (http://www.pts.org.ar/Premio-nobel-...)
SERPAJ- Servicio Paz y Justicia
Lita Boitano- Familiares de Detenidos y Desparecidos por Razones Políticas
Elia Espen- Madres de Plaza de Mayo Línea fundadora
Enrique Fuckman- Asociación Ex Detenidos Desaparecidos
Graciela Rosenblum- Liga Argentina por los Derechos del Hombre Comisión Campo de Mayo
Asociación de Ex Trabajadores Detenidos Desaparecidos de Ford Asociación de Ex Trabajadores y Familiares Desaparecidos de Mercedes Benz
Voir :
LEAR Corporation : Billions for Executives, Low Pay Jobs for Workers. Story of a Vulture Multinational Corporation(Video) Lear layoffs : Government beats up workers and protects corporations’ interests
(Video) #Urgent Human rights activists denounce the repression against Lear workers in Argentina
Facebook : https://www.facebook.com/saynotolearcorp?ref=nf
Twitter : https://twitter.com/juanagallardo1
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NOTES
[1] Syndicat de l’automobile.
[2] Pour imposer un chômage technique sans paye, l’entreprise aurait dû préalablement présenter en recours de crise, chose qu’elle n’a pas fait.
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