Il
s’agit d’une nouvelle offensive pro-impérialiste. Le gouvernement Trump
nie toute implication mais le secrétaire d'Etat Mike Pompeo menace
d’accentuer l’ingérence nord-américaine.
Dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 mai, plusieurs groupes
d’hommes armés ont été arrêtés par les forces armées vénézuéliennes. Il
s’agissait d’un groupe de militaires dissidents entraînés par des
mercenaires nord-américains, salariés de la compagnie SilverCorp
propriété d’un ex-soldat étatsunien ayant participé à l’invasion en
Irak, entre autres. Alors qu’ils arrivaient en bateau depuis la
Colombie, 8 des assaillants ont été abattus et 8 autres arrêtés, dont
les deux mercenaires nord-américains.
Cette aventure paramilitaire et réactionnaire a été baptisée « Opération Gedeon »
et son objectif était clair : renverser le gouvernement de Nicolas
Maduro au Venezuela. C’est ce que l’on peut voir sur une vidéo où le
militaire vénézuélien dissident Javier Nieto Quintero aux côtés de
Jordan Goudreau, ex-militaire nord-américain et propriétaire de
l’entreprise de mercenariat SilverCorp, lancent un appel aux militaires
vénézuéliens et à la population pour les soutenir dans leur tentative de
coup.
Sur la vidéo (tournée le 3 mai), ceux qui semblent être les
« organisateurs » de l’aventure paramilitaire, affirmaient que des
groupes d’hommes armés étaient déjà en train d’agir sur le territoire
vénézuélien à l’Est, à l’ouest et au sud. « L’objectif de ces paroles
c’est d’abord de dire clairement au peuple vénézuélien et aux forces
vives de la nation que c’est vrai, et qu’il y a des hommes et des femmes
risquant leur vie en ce moment pour la liberté de notre patrie et de
nos prisonniers politiques », affirme Nieto Quintero sur la vidéo et il poursuit, « deuxièmement,
nous voulons remercier et solliciter les membres des forces armées, aux
généraux, aux commandants, aux capitaines, aux soldats et aux
supérieurs, qu’ils rejoignent cette entreprise de libération,
l’opération Gedeon, dont le principal objectif c’est de capturer
l’organisation criminelle qui aujourd’hui, malheureusement, dirige les
destinées de la nation (…) tout cela appuyé sur la constitution
nationale et sur des tribunaux internationaux (…) qui ont ordonné
l’arrestation du cartel narcotrafiquant qui, malheureusement,
aujourd’hui dirige les destinées de la nation. Il est évident que toutes
les alternatives sont épuisées : électorales, démocratiques,
politiques, économiques… ».
Aparece el ex militar americano, Jordan Goudreau, quien junto a Clíver Alcalá entrenaba militares desertores venezolanos en Colombia, atribuyéndose el evento de Macuto: pic.twitter.com/5sBjefx29n
— Orlando Avendaño (@OrlvndoA) May 3, 2020
Il s’agissait donc d’un appel clair et ouvert à un coup d’Etat contre
le gouvernement de Nicolas Maduro. Un appel putschiste qui s’appuie
d’ailleurs sur les décisions et la politique hostile de l’impérialisme
nord-américain qui vient d’indiquer Maduro comme chef d’un cartel de
trafic de drogues.
L’opposition à la manœuvre
L’opposition vénézuélienne a très rapidement nié toute implication
dans cette nouvelle tentative de coup d’Etat. Cependant, dans une interview
avec une journaliste vénézuélienne de droite émigrée aux Etats Unis, le
chef mercenaire Jordan Goudreau a montré un contrat qui aurait été
signé avec le chef de l’opposition vénézuélienne, et véritable
marionnette des Etats Unis, Juan Guaidó. D’ailleurs dans l’interview
Goudreau affirme ne pas être un mercenaire étant donné qu’il n’avait pas
(encore) été payé. « Je suis juste un gars qui essaye d’aider un groupe de personnes », affirme le « samaritain » Goudreau.
Quoi qu’il en soit, le contrat estime que l’entreprise de Goudreau devrait recevoir une somme de 212 millions de dollars :
This is the alleged $212 million contract Juan Guaido signed with US mercenary Jordan Goudreau to execute a military coup against Venezuela’s elected govt. Goudreau has said the funding came from VZLA exiles in the US, but complained he wasn’t paid. https://t.co/0TN65mHXdE pic.twitter.com/NAFPGF0wPA
— Max Blumenthal (@MaxBlumenthal) May 4, 2020
Arrogance impérialiste
Le gouvernement Trump affirme ne pas être mêlé à l’opération.
Cependant, même dans l’hypothèse qu’il ne soit pas directement impliqué
dans cette aventure paramilitaire, ne veut pas dire qu’il n’est pas
responsable en fin de comptes. Non seulement le fondement discursif
cherchant à légitimer l’opération puise ses arguments dans la propagande
impérialiste, mais il est indéniable que les paramilitaires ont compté
avec la complicité du gouvernement colombien, l’un des principaux alliés
des Etats Unis dans la région. Il est également très peu probable que
les Etats Unis n’aient pas été au courant de l’action qui se préparait
dans une région où ils comptent une très grande présence militaire.
Mais l’impérialisme nord-américain a démontré son arrogance totale
quelques jours plus tard quand le Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo,
interrogé sur l’opération a lancé une petite « blague » pour
« démontrer » la non implication des Etats Unis. « Si on avait été impliqué cela aurait tourné différemment »
a-t-il lancé à des journalistes, et des rires ont éclaté dans la salle.
L’arrogance impérialiste fait que ces ministres se permettent de
rigoler d’une tentative armée de renversement d’un gouvernement.
Mais Pompeo est allé encore plus loin. Quand on lui a demandé sur le
sort des deux citoyens nord-américains impliqués et détenus par les
autorités vénézuéliennes, il a lancé une menace avec non moins
d’arrogance : « si le régime de Maduro décide de les retenir, nous utiliserons tous les moyens pour les faire revenir [aux Etats Unis] ».
Il s’agit d’une menace à prendre très au sérieux, car elle pourrait
aller jusqu’à une intervention directe des Etats Unis au Venezuela, même
si aujourd’hui cette option semble très risquée et en dehors du rapport
de forces. La question de fond c’est que les Etats Unis tout en
affirmant qu’ils ne sont pas impliqués dans cette aventure putschiste
soutiennent les mercenaires nord-américains contre la justice d’une Etat
souverain.
US Secretary of State Mike Pompeo on Operacion Gedeon “if we were involved it would have gone differently”#Venezuela pic.twitter.com/B63hAnKdVR
— CNW (@ConflictsW) May 6, 2020
A bas l’interventionnisme impérialiste, sans apporter aucun soutien politique à Maduro
L’interventionnisme impérialiste, non seulement des Etats Unis mais
de toutes les puissances impérialistes, dont la France, est une tendance
inévitable qui est en train de s’accentuer au cours de la crise de
Covid-19 et la crise économique. La concurrence entre les puissances
sera acharnée et encore plus dure et agressive. De ce point de vue les
impérialistes doivent renforcer leurs positions historiques pour
prétendre à partir de là d’affaiblir leurs concurrents.
Ainsi, en ce qui concerne les Etats Unis, il est très probable qu’ils
tentent de redoubler leur domination sur l’Amérique latine, leur
« arrière-cour » historique. L’hostilité et l’offensive à l’égard du
Venezuela fait partie de cette dynamique. On peut mettre sur ce compte
aussi le coup d’Etat en Bolivie qui a chassé Evo Morales du pouvoir et
même son implication dans le coup d’Etat institutionnel au Brésil contre
Dilma Rousseff. C’est pour cela que nous disons très clairement « A bas l’interventionnisme impérialiste ! A bas les tentatives de coup d’Etat au Venezuela ».
Cependant, cette prise de position contre l’impérialisme n’implique
nullement un soutien politique quelconque au gouvernement capitaliste et
réactionnaire de Nicolas Maduro. Comme on peut le lire dans la
déclaration de nos camarades vénézuéliens de la Ligue des Travailleurs Socialistes, qui animent également La Izquierda Diario Venezuela : « Le
rejet de ces actions et prétentions impérialistes n’implique aucun
soutien politique au gouvernement quasi-dictatorial de Maduro ; au
contraire, il implique la certitude que l’opposition de droite
putschiste et le gouvernement du Trump ne sont en aucun cas des amis du
peuple vénézuélien, que leurs intérêts sont diamétralement opposés à
ceux de la classe ouvrière et des secteurs populaires du pays, et que
par conséquent ils ne sont en aucun cas une alternative progressiste ou
souhaitable ; au contraire, ils sont nos ennemis. Elle implique la
certitude que la lutte contre le gouvernement de Maduro doit aller de
pair avec la lutte contre les prétentions néocoloniales des États-Unis ».
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