8.5.20

Venezuela. Des paramilitaires entrainés par des mercenaires américains tentent de renverser Maduro


Il s’agit d’une nouvelle offensive pro-impérialiste. Le gouvernement Trump nie toute implication mais le secrétaire d'Etat Mike Pompeo menace d’accentuer l’ingérence nord-américaine.

Philippe Alcoy


Dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 mai, plusieurs groupes d’hommes armés ont été arrêtés par les forces armées vénézuéliennes. Il s’agissait d’un groupe de militaires dissidents entraînés par des mercenaires nord-américains, salariés de la compagnie SilverCorp propriété d’un ex-soldat étatsunien ayant participé à l’invasion en Irak, entre autres. Alors qu’ils arrivaient en bateau depuis la Colombie, 8 des assaillants ont été abattus et 8 autres arrêtés, dont les deux mercenaires nord-américains.

Cette aventure paramilitaire et réactionnaire a été baptisée « Opération Gedeon » et son objectif était clair : renverser le gouvernement de Nicolas Maduro au Venezuela. C’est ce que l’on peut voir sur une vidéo où le militaire vénézuélien dissident Javier Nieto Quintero aux côtés de Jordan Goudreau, ex-militaire nord-américain et propriétaire de l’entreprise de mercenariat SilverCorp, lancent un appel aux militaires vénézuéliens et à la population pour les soutenir dans leur tentative de coup.

Sur la vidéo (tournée le 3 mai), ceux qui semblent être les « organisateurs » de l’aventure paramilitaire, affirmaient que des groupes d’hommes armés étaient déjà en train d’agir sur le territoire vénézuélien à l’Est, à l’ouest et au sud. « L’objectif de ces paroles c’est d’abord de dire clairement au peuple vénézuélien et aux forces vives de la nation que c’est vrai, et qu’il y a des hommes et des femmes risquant leur vie en ce moment pour la liberté de notre patrie et de nos prisonniers politiques », affirme Nieto Quintero sur la vidéo et il poursuit, « deuxièmement, nous voulons remercier et solliciter les membres des forces armées, aux généraux, aux commandants, aux capitaines, aux soldats et aux supérieurs, qu’ils rejoignent cette entreprise de libération, l’opération Gedeon, dont le principal objectif c’est de capturer l’organisation criminelle qui aujourd’hui, malheureusement, dirige les destinées de la nation (…) tout cela appuyé sur la constitution nationale et sur des tribunaux internationaux (…) qui ont ordonné l’arrestation du cartel narcotrafiquant qui, malheureusement, aujourd’hui dirige les destinées de la nation. Il est évident que toutes les alternatives sont épuisées : électorales, démocratiques, politiques, économiques… ».


  
Il s’agissait donc d’un appel clair et ouvert à un coup d’Etat contre le gouvernement de Nicolas Maduro. Un appel putschiste qui s’appuie d’ailleurs sur les décisions et la politique hostile de l’impérialisme nord-américain qui vient d’indiquer Maduro comme chef d’un cartel de trafic de drogues.

L’opposition à la manœuvre

 

L’opposition vénézuélienne a très rapidement nié toute implication dans cette nouvelle tentative de coup d’Etat. Cependant, dans une interview avec une journaliste vénézuélienne de droite émigrée aux Etats Unis, le chef mercenaire Jordan Goudreau a montré un contrat qui aurait été signé avec le chef de l’opposition vénézuélienne, et véritable marionnette des Etats Unis, Juan Guaidó. D’ailleurs dans l’interview Goudreau affirme ne pas être un mercenaire étant donné qu’il n’avait pas (encore) été payé. « Je suis juste un gars qui essaye d’aider un groupe de personnes », affirme le « samaritain » Goudreau.
Quoi qu’il en soit, le contrat estime que l’entreprise de Goudreau devrait recevoir une somme de 212 millions de dollars :


  

Arrogance impérialiste

 

Le gouvernement Trump affirme ne pas être mêlé à l’opération. Cependant, même dans l’hypothèse qu’il ne soit pas directement impliqué dans cette aventure paramilitaire, ne veut pas dire qu’il n’est pas responsable en fin de comptes. Non seulement le fondement discursif cherchant à légitimer l’opération puise ses arguments dans la propagande impérialiste, mais il est indéniable que les paramilitaires ont compté avec la complicité du gouvernement colombien, l’un des principaux alliés des Etats Unis dans la région. Il est également très peu probable que les Etats Unis n’aient pas été au courant de l’action qui se préparait dans une région où ils comptent une très grande présence militaire.

Mais l’impérialisme nord-américain a démontré son arrogance totale quelques jours plus tard quand le Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, interrogé sur l’opération a lancé une petite « blague » pour « démontrer » la non implication des Etats Unis. « Si on avait été impliqué cela aurait tourné différemment » a-t-il lancé à des journalistes, et des rires ont éclaté dans la salle. L’arrogance impérialiste fait que ces ministres se permettent de rigoler d’une tentative armée de renversement d’un gouvernement.

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Mais Pompeo est allé encore plus loin. Quand on lui a demandé sur le sort des deux citoyens nord-américains impliqués et détenus par les autorités vénézuéliennes, il a lancé une menace avec non moins d’arrogance : « si le régime de Maduro décide de les retenir, nous utiliserons tous les moyens pour les faire revenir [aux Etats Unis] ». Il s’agit d’une menace à prendre très au sérieux, car elle pourrait aller jusqu’à une intervention directe des Etats Unis au Venezuela, même si aujourd’hui cette option semble très risquée et en dehors du rapport de forces. La question de fond c’est que les Etats Unis tout en affirmant qu’ils ne sont pas impliqués dans cette aventure putschiste soutiennent les mercenaires nord-américains contre la justice d’une Etat souverain.


  

A bas l’interventionnisme impérialiste, sans apporter aucun soutien politique à Maduro

 

L’interventionnisme impérialiste, non seulement des Etats Unis mais de toutes les puissances impérialistes, dont la France, est une tendance inévitable qui est en train de s’accentuer au cours de la crise de Covid-19 et la crise économique. La concurrence entre les puissances sera acharnée et encore plus dure et agressive. De ce point de vue les impérialistes doivent renforcer leurs positions historiques pour prétendre à partir de là d’affaiblir leurs concurrents.

Ainsi, en ce qui concerne les Etats Unis, il est très probable qu’ils tentent de redoubler leur domination sur l’Amérique latine, leur « arrière-cour » historique. L’hostilité et l’offensive à l’égard du Venezuela fait partie de cette dynamique. On peut mettre sur ce compte aussi le coup d’Etat en Bolivie qui a chassé Evo Morales du pouvoir et même son implication dans le coup d’Etat institutionnel au Brésil contre Dilma Rousseff. C’est pour cela que nous disons très clairement « A bas l’interventionnisme impérialiste ! A bas les tentatives de coup d’Etat au Venezuela ».

Cependant, cette prise de position contre l’impérialisme n’implique nullement un soutien politique quelconque au gouvernement capitaliste et réactionnaire de Nicolas Maduro. Comme on peut le lire dans la déclaration de nos camarades vénézuéliens de la Ligue des Travailleurs Socialistes, qui animent également La Izquierda Diario Venezuela : « Le rejet de ces actions et prétentions impérialistes n’implique aucun soutien politique au gouvernement quasi-dictatorial de Maduro ; au contraire, il implique la certitude que l’opposition de droite putschiste et le gouvernement du Trump ne sont en aucun cas des amis du peuple vénézuélien, que leurs intérêts sont diamétralement opposés à ceux de la classe ouvrière et des secteurs populaires du pays, et que par conséquent ils ne sont en aucun cas une alternative progressiste ou souhaitable ; au contraire, ils sont nos ennemis. Elle implique la certitude que la lutte contre le gouvernement de Maduro doit aller de pair avec la lutte contre les prétentions néocoloniales des États-Unis ».

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