Alors
que l’organisation chiite a tenté d’assainir son image au cours de
l’épidémie de Covid-19, les manifestations au Liban et cette décision
allemande la mettent sous forte pression.
Mettant notamment en avant la politique hostile du Hezbollah à
l’égard de l’État israélien, les autorités allemandes ont décidé de
mettre le parti chiite dans sa liste d’organisations terroristes. Alors
que depuis 2013, les pays de l’Union Européenne avaient placé la branche
armée de l’organisation dans la liste, surtout à cause de sa
participation au conflit armée syrien du côté de Bachar al-Assad, cette
fois c’est le tour de sa branche politique.
Malgré le fait que le Hezbollah ne possède pas d’organisation
officielle sur le territoire allemand, la décision du gouvernement a été
suivie de raids de policiers encagoulés dans des mosquées et
associations. Selon le ministre de l’intérieur allemand, il s’agissait
d’éviter que ces institutions et organisations suspectées d’entretenir
des liens avec le Hezbollah détruisent des preuves, notamment concernant
son financement depuis l’Allemagne.
En effet, le gouvernement allemand estime qu’il y a autour d’un
millier de militants du Hezbollah sur son territoire qui mèneraient des
activités illicites afin de financer l’organisation chiite : trafics,
blanchiment d’argent, mais aussi des dons récoltés parmi la communauté
chiite allemande. Le Département d’État nord-américain estime que le
budget annuel du Hezbollah est d’un milliard de dollars dont 700
millions qui sont financés par l’Iran et 300 millions provenant des dons
et d’activités illégales depuis l’étranger.
De cette façon l’Allemagne rejoint la Grande Bretagne, les
États-Unis, l’État israélien, le Canada, les Pays-Bas, les pays du
Conseil de Coopération du Golfe et le Bahreïn qui avaient déjà placé le
Hezbollah chiite sur la liste noire des organisations terroristes. Il
n’est pas étonnant en ce sens que les gouvernements nord-américain,
israélien et saoudien aient exprimé leur satisfaction face à la décision
allemande. « J’appelle les autres pays européens ainsi que l’Union
européenne à faire de même. Toutes les parties du Hezbollah, y compris
les ailes sociales, politiques et militaires, sont des organisations
terroristes et doivent être traitées comme telles », a déclaré le ministre des Affaires Étrangères israélien, Israel Katz.
Cette position allemande, bien qu’elle puisse suivre la ligne
politique adoptée par l’Allemagne depuis quelques mois à l’égard du
Hezbollah, se place en décalage par rapport à la position d’autres pays
européens comme la France. Paris estime que le Hezbollah joue un rôle
politique très important au Liban et que ses membres arrivent à se faire
élire dans des processus électoraux, donc il n’est pas possible de
fermer les voies de communication avec cette force politique. Mais
l’impérialisme français n’est nullement motivé par des considérations
« démocratiques » (n’oublions pas qu’aussi bien la France que
l’Allemagne maintiennent dans sa liste d’organisations terroristes le
PKK kurde et que la France maintient dans ses prisons depuis 36 ans le
militant communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah). Le Liban
représente une position solide de l’impérialisme français dans le Moyen
Orient et donc elle doit laisser ouverte toutes les portes afin de
préserver ses intérêts dans le pays et dans la région.
Un coup pour le Hezbollah en pleine crise sociale et économique
Le Liban a été secoué depuis octobre dernier par une vague de
manifestations anti-gouvernementales et contre l’ensemble des partis
politiques, y compris le Hezbollah. L’épidémie de Covid-19 a mis un
arrêt soudain aux manifestations et le Hezbollah a tenté de profiter de
la gestion de la crise pour se renforcer. Il a mis en place un plan
impressionnant de lutte contre la pandémie avec des milliers de
personnes mobilisées, dont 3000 médecins et personnels hospitaliers.
Étant donné que le Hezbollah est une organisation ayant des capacités
financières et militaires parfois supérieures à celles de l’État, il a
pu exhiber sa réponse comme étant plus efficace que celle apportée par
ce dernier.
Cependant, la crise économique qui frappait déjà durement le pays
avant la pandémie s’est approfondie avec les mesures prises pour arrêter
la propagation du virus déclenchant de véritables « révoltes de la faim ».
Les manifestants se sont attaqués principalement aux banques et la
contestation des partis politiques semble s’approfondir jour après jour.
On ne peut pas exclure que le gouvernement soit obligé de faire appel
au FMI, ce qui impliquerait l’adoption de mesures antipopulaires. Tout
cela risque de mettre le Hezbollah dans une situation très
inconfortable.
En ce sens, la décision allemande est un coup matériel (car cela va
sans doute réduire ses voies de financement) mais aussi politique. Cela
renforce l’isolement de l’organisation et renforce ses ennemis comme
l’État israélien et l’Arabie Saoudite, sans mentionner les États-Unis.
Pour ces régimes, il est inconcevable de voir encore un Hezbollah fort
au Liban.
La décision allemande renforce également la politique de « pression
maximale » des États-Unis à l’égard de l’Iran, principal allié du
Hezbollah. Alors que l’Allemagne adopte une attitude de dialogue et
négociation avec le régime de Téhéran, la déclaration du Hezbollah comme
une organisation terroriste pourrait peut-être marquer un tournant de
la position allemande. Mais en même temps, cela pourrait être utilisé au
contraire pour accentuer la pression sur l’Iran dans le cadre de leurs
négociations.
Une mesure impérialiste
Pour nous il n’y a aucun doute que le Hezbollah est une organisation
bourgeoise et réactionnaire. Elle s’est placée systématiquement contre
les mobilisations populaires progressistes au Liban et dans la région ;
elle a participé à la guerre en Syrie du côté de Bachar al-Assad et
commis des crimes atroces contre l’humanité. Récemment, lors des
mobilisations anti-gouvernementales au Liban, des militants du Hezbollah
sont allés jusqu’à attaquer des manifestants.
Cependant, la décision allemande de placer l’organisation chiite dans
la liste de formations terroristes relève de l’hypocrisie et de
l’arrogance impérialiste. Ces mêmes pays qui célèbrent la décision
allemande sont coupables de crimes contre l’humanité et même d’actes de
terrorisme d’État, comme c’est le cas de l’État israélien, ou encore de
crimes contre l’humanité comme l’Arabie Saoudite au Yémen, sans parler
de la longue histoire de crimes soutenus ou directement commis par
l’impérialisme nord-américain ou allemand. Malgré le caractère
réactionnaire du Hezbollah, ce serait une erreur fatale pour le
mouvement ouvrier de soutenir la décision impérialiste.
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