Les
politiques de Macron et de ses prédécesseurs ces 40 dernières années
ont miné la capacité de l’hôpital public à répondre à une éventuelle
crise sanitaire.
Philippe Alcoy
Ce jeudi Emmanuel Macron, dans une opération de communication évidente, a visité l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière
afin de « rassurer » face à une probable épidémie qui serait « devant
nous ». Ces déclarations contredisent les paroles beaucoup plus
tranquillisantes du ministre de la santé, Olivier Véran, qui mercredi
minimisait la possibilité d’une épidémie.
Plus tard, cela a été le tour du premier ministre, Édouard Philippe,
de se montrer rassurant et mobilisé face au risque sanitaire. Ce
dernier, aux côtés du ministre de la santé, a reçu l’ensemble des chefs
des partis d’opposition et de groupes parlementaires afin de créer une
sorte « d’unité nationale » face au coronavirus. Le ton grave de Macron
pourrait s’expliquer en effet par cette recherche d’unité nationale.
Il est clair que le gouvernement a tiré des leçons de sa gestion
catastrophique de l’affaire Lubrizol en septembre dernier où il a essayé
de dissimuler la gravité des conséquences de l’incendie de ce site
classé Seveso. Désormais il tente d’apparaître plus « transparent » et
« sincère » face à la menace d’épidémie de Covid-19 en France. En effet,
Lubrizol avait révélé le manque de confiance profond de la population
vis-à-vis de la parole politique. Et c’est cela que le gouvernement
tente aujourd’hui de nuancer, voire de retourner la situation à sa
faveur.
Ainsi, Macron et son gouvernement cherchent à exploiter le
coronavirus comme une opportunité politique pour récupérer une partie du
capital politique dilapidé ces derniers temps. Une gestion du dossier
coronavirus où le gouvernement renvoie une image de sérieux et de
rassembleur de la nation face au danger, pourrait lui être d’une
certaine aide à court terme, notamment vis-à-vis des élections
municipales dont le premier tour sera le 15 mars prochain et qui
s’annoncent catastrophiques pour le parti présidentiel. Même si cela
semble pour le moment peu probable et que le gouvernement l’a démenti,
on commence aussi à faire des allusions à un éventuel report des
élections municipales (ce qui arrangerait beaucoup en ce moment le
gouvernement) si l’épidémie en venait à gagner la France.
Le coronavirus et la destruction de l’hôpital public
Pour le moment il y a eu 38 cas de coronavirus en France dont deux
patients qui en sont morts et un qui se trouve en état critique. L’un
des patients morts était un touriste chinois de 80 ans et l’autre était
un enseignant français qui n’avait pas visité les zones à grand risque
(la Chine et le nord de l’Italie) et son décès serait dû à une autre
maladie aggravée par le coronavirus. Le reste des patients a déjà guéri
ou ne présente pas de signes inquiétants. En ce sens, même s’il y a un
danger encore élevé d’épidémie en France, les risques mortels restent
moindres. Cependant, comme l’explique Eric Caumes, chef de service des
Maladies infectieuses et tropicales de la Pitié : « le problème va
être l’effet nombre à gérer. Si on a 1.000 personnes, le système n’aura
aucun problème pour prendre en charge. Si c’est 100.000 ou 10 millions
de personnes dans un espace très réduit de temps, on va avoir de grosses
difficultés ».
Ces déclarations qui projettent une situation assez catastrophique
(le nombre de malades au niveau mondial n’atteint pas encore les 100 000
personnes) mettent en lumière aussi le manque de moyens dans l’hôpital
public. Car sans arriver à 100 000 malades en France, il est clair que
les politiques néolibérales qu’applique le gouvernement Macron et qui
ont été appliquées par ses prédécesseurs, ont pour conséquence, dans le
secteur de la santé (ainsi que dans d’autres), de dégrader la qualité du
service public et d’accentuer les inégalités entre les classes sociales
mais aussi entre les territoires vis-à-vis de l’accès aux soins.
L’accès à l’hôpital devient de plus en plus compliqué pour les
classes populaires des grandes villes ainsi que pour les habitants de
certains quartiers ouvriers, de petites villes ou des zones rurales.
C’est en partie ce que le mouvement des Gilets Jaunes dénonçait. Il est,
dans ce contexte, évident qu’en cas d’épidémie ce seraient ces
populations les plus exposées au virus.
Notre santé n’est pas une marchandise
« Quand il a fallu sauver Notre-Dame, il y avait beaucoup de monde
pour être ému. Là il faut sauver l’hôpital public, qui est en train de
flamber à la même vitesse que Notre-Dame a failli flamber. Ça s’est joué
à rien et là, en ce moment, ça se joue à rien », a lancé un médecin
de la Pitié à Macron lors de sa visite. Le président de la république a
feint d’être à l’écoute. Mais en réalité, Macron entend poursuivre sa
politique agressive contre les travailleurs et les classes populaires,
des politiques qui visent, en fin de compte, à privatiser tout un pan du
secteur de la santé mais aussi de l’éducation, des retraites, entre
autres, et ainsi créer de nouveaux marchés pour les investisseurs avides
de profits.
Mais c’est tout le contraire de cette politique ultralibérale qu’il
faut faire. Le coronavirus et la menace d’épidémie montrent qu’il faut
investir de toute urgence dans la santé et dans tous les services
publics. Il faut embaucher massivement des médecins, des infirmiers et
infirmières, des personnels soignants de tout type ; il faut mettre fin à
la très grande précarité qui existe dans ce secteur.
Cependant, la crise de coronavirus met en lumière d’autres questions
fondamentales pour la santé publique comme la question des médicaments.
Le capitalisme transforme notre santé en une marchandise sur tous les
aspects et ainsi l’industrie pharmaceutique est l’une des plus rentables
au monde et contrôlée par une poignée de laboratoires privés géants qui
poursuivent leurs propres logiques financières. Pour faire face aux
problèmes de santé publique, il faudrait nationaliser tout le secteur
pharmaceutique et mettre à disposition les moyens nécessaires pour la
recherche.
Au contraire de « l’unité nationale » face à un risque aussi
important d’épidémie d’une maladie dont on ne connaît pas encore la
vraie portée ni la dangerosité, c’est le moment de dénoncer les
tentatives de capitalisation politique de la part du gouvernement mais
aussi de la part de certains courants comme le Rassemblement National de
Marine Le Pen qui fait de la démagogie réactionnaire appelant à
l’application de mesures rétrogrades totalement inefficaces. C’est le
moment aussi pour pointer le caractère néfaste du système capitaliste
dont la logique met en danger la vie de millions de personnes. Pour
toutes ces raisons nous ne pouvons pas faire confiance au gouvernement,
ou à une opposition réactionnaire incarnée par Marine Le Pen, pour
protéger notre santé.
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