La
mobilisation en France s’inscrit dans un contexte international marqué
par des contestations populaires remettant en cause les inégalités et
l’exploitation. Des raisons supplémentaires d’inquiéter les capitalistes
français.
Depuis quelques jours la presse nationale fait état de
l’inquiétude du gouvernement français vis-à-vis du mouvement de grève
qui se déclenche ce 5 décembre. Les diverses tentatives de Macron et de
ses ministres de déminer le terrain se sont en effet révélées un échec.
On peut en dire autant des tentatives de diviser l’opinion publique en
présentant le mouvement de grève comme une lutte « corporatiste ». En
effet, le mécontentement de la part des travailleurs, de la jeunesse
précarisée, des classes populaires vis-à-vis de leurs conditions de vie,
des inégalités mais aussi de la dégradation des droits démocratiques
élémentaires est tellement fort que la haine déversée par le
gouvernement et les éditorialistes ne fait qu’alimenter cette
radicalité.
Ainsi, le gouvernement et le patronat se préparent pour un conflit
social d’ampleur, fort et massif, mais qu’ils espèrent n’ira pas plus
loin que ce weekend. Cependant, la nervosité est palpable. La France a
connu l’année dernière l’expression d’une crise sociale d’ampleur avec
les Gilets Jaunes, ceux-ci remettant en cause le caractère routinier et
adapté au régime d’exploitation du capitalisme français. Ce mouvement a
laissé des traces dans la vie politique et sociale du pays et on
commence à détecter des symptômes de « giletjaunisation » au sein des
organisations ouvrières. Il s’agit d’un élément très inquiétant pour le
gouvernement et surtout pour le patronat. C’est ce qu’exprime très
clairement le journal Les Echos dans son dernier édito : « il
est inadmissible enfin, et c’est peut-être le plus grave pour l’avenir,
de voir des organisations syndicales en perte de vitesse prendre le
risque de s’engager dans un conflit social dont personne ne sait
vraiment jusqu’où il conduira ses acteurs. Il n’est un mystère pour
personne (…) que les organisations en cause ont perdu le contrôle de
leur base pour certaines ultra-radicalisées ».
Cependant, il serait partiel de penser que cette nervosité de la part
des classes dominantes françaises et de son gouvernement ne répond qu’à
des facteurs nationaux. En effet, depuis plusieurs mois et plus
particulièrement depuis cette rentrée, dans différents pays dans
plusieurs régions du monde, des mobilisations populaires ont secoué ou
sont en train de secouer des gouvernements et des régimes. Ces
mobilisations se déclenchent par parfois à la suite de mesures
partielles comme l’augmentation du prix de l’essence ou du ticket de
métro comme (Equateur et au Chili) ; à la suite de l’imposition d’un
impôt injuste comme au Liban ; à la suite de mesures d’austérité
(Colombie). Parfois la contestation a été provoquée par des décisions
politiques antipopulaires comme en Algérie et le cinquième mandat, les
peines de prison contre des leaders politiques comme pour le processus
indépendantiste catalan, la loi sur l’extradition de prisonniers
politiques à Hong Kong, la résistance contre le coup d’Etat en Bolivie
ou encore les déclarations homophobes d’un politicien détesté comme à
Porto Rico. On peut encore mentionner les mouvements de la jeunesse
précaire contre le chômage et la pauvreté comme en Irak et dans une
certaine mesure l’Iran.
Tous ces processus de luttes populaires ont au moins un point en
commun : l’élément déclencheur est très rapidement « oublié » et les
manifestants commencent à remettre en cause l’ensemble du régime, « du
système ». C’est bien cette dynamique qui fait peur à Macron mais aussi
aux différents gouvernements confrontés au risque du déclenchement
populaire. Pour ne donner qu’un exemple supplémentaire, la semaine
dernière le Financial Times
rendait compte de comment le gouvernement de Bolsonaro au Brésil à
décidé de remettre à plus tard un ensemble de mesures antisociales par
peur de voir un mouvement comme ceux qui secouent la région gagner le
Brésil.
Dans ce contexte, il est clair que le mouvement de grève en France à
partir du 5 décembre n’est pas tout seul et pourrait devenir un nouveau
front de la lutte de classes au niveau international. Ce contexte
international n’est surement pas pour rien dans la détermination des
travailleurs, des jeunes, des femmes, des militants écologistes qui
feront grève et manifesteront le 5 et les jours suivants. Les luttes
dans des régions aussi diverses (avec des contradictions importantes)
créent un contexte de légitimation de la mobilisation ouvrière et
populaire. En même temps, la mobilisation en France vient renforcer les
luttes en cours ; non seulement par le fait que la France c’est l’un des
pays impérialistes les plus importants au monde mais aussi parce
qu’elle a toujours connu d’importantes luttes et mobilisations qui ont
inspiré d’autres peuples à travers le monde.
Cependant, il existe une différence très importante entre la
mobilisation en France et celles qui ont lieu actuellement, même dans
les processus les plus avancées et profonds comme celui au Chili : alors
que dans tous ces pays les mouvements ont pris un caractère
essentiellement « citoyen », où les travailleurs interviennent dilués
dans la masse et non organisés comme force sociale, en France le
mouvement met au centre l’action de la classe ouvrière, spécialement
certains de ses bastions centraux (SNCF, RATP), avec ses propres
méthodes traditionnelles, la grève. Ces méthodes et centralité de
l’action ouvrière, dans un contexte de lutte de classes international
et une tendance à la « giletjaunisation », sont un combo très inquiétant
pour la bourgeoisie en effet mais très encourageant pour les
travailleurs, la jeunesse et les classes populaires en France et dans le
monde.
En ce sens, si le mouvement de grève réussi à se prolonger et à
gagner d’autres secteurs du public et du privé en France, prenant un
caractère de grève générale politique contre la politique de Macron,
cela pourrait devenir un élément central dans la situation mondiale et
inspirer d’autres travailleurs dans le monde, à commencer par ceux qui
sont déjà mobilisés actuellement, mais dilués dans des mouvement
citoyens. Cet élément est central car la classe ouvrière reste le sujet
social capable non d’unifier les différents secteurs exploités et
opprimés de la société mais aussi toucher les capitalistes là où leur
fait mal, le portefeuille, et poser les bases pour remettre tout en
cause. Voilà l’une des sources d’inquiétude des classes dominantes en
France face au mouvement qui commence de 5 décembre. C’est à nous de
faire en sorte que leurs cauchemars deviennent réalité.
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