L’échec
du projet néolibéral du président Macri menace de déclencher une grande
crise économique dont les origines se trouvent dans la structure
dépendante et sous-développée du capitalisme argentin.
Quand le président argentin Mauricio Macri est arrivé au
pouvoir en 2015 il a fait en sorte que l’une des premières mesures soit
l’élimination du contrôle des capitaux et la libéralisation du taux de
change de la monnaie nationale, le peso. Les ironies de la vie politique
et économique feront qu’il quitte le pouvoir en réimposant des mesures
de contrôle du taux de change et en décrétant un « défaut sélectif ».
En effet, le lendemain des résultats des élections primaires obligatoires le 11 août dernier,
où le parti au gouvernement a pris une vraie « raclée » électorale, les
marchés ont « voté » provoquant une dévaluation brutale de 30% du peso
en moins de 24h. Cette dévaluation subite a eu une répercussion presque
immédiate sur les prix, les salaires, les allocations sociales et les
retraites. Un coup dur pour le pouvoir d’achat des classes populaires et
des travailleurs.
Cependant, les responsables politiques du gouvernement et de
l’opposition péroniste ont considéré qu’après le « séisme financier »
tout reviendrait plus ou moins à la normale laissant le temps pour que
le nouveau gouvernement puisse implémenter sa politique économique après
les élections générales de fin octobre. Mais rien n’y a fait. La
méfiance des investisseurs vis-à-vis d’un éventuel nouveau gouvernement
péroniste et la spéculation sur la dette argentine elle-même n’ont fait
qu’aggraver la situation.
Ainsi, pour tenter d’empêcher une dégringolade majeure du peso, la
Banque Centrale argentine a injecté dans le marché plus de 13 milliards
de dollars, dilapidant une partie importante des réserves en monnaie
étrangère du pays. Alors que le 1er juillet la Banque Centrale avait
67,7 milliards de dollars dans ses coffres, vendredi dernier il ne lui
restait plus que 54 milliards de dollars. Une situation très inquiétante
notamment pour un pays très endetté comme l’Argentine, dont des
échéances importantes auront lieu l’année prochaine.
Dans ce contexte, mercredi dernier, le gouvernement annonçait un
« défaut sélectif ». Autrement dit, il a repoussé à plus tard les
échéances de bons de la dette à très court terme que la Banque Centrale
avait mis en place en mai de l’année dernière pour faire face à une
offensive spéculative contre le peso. Des bons très lucratifs pour les
spéculateurs, payant jusqu’à 80% d’intérêts. Le gouvernement a profité
également pour annoncer son intention de renégocier les échéances des
titres à moyen et long terme.
Échec du projet néolibéral
L’échec du projet néolibéral n’est pas seulement celui de Macri qui
le portait depuis 2015. C’est aussi l’échec de ses soutiens
internationaux à commencer par Trump et notamment le FMI dirigé à
l’époque par la Française Christine Lagarde (actuellement à la BCE). En
effet, Macri et son projet ultra libéralisateur n’a pas seulement compté
sur le soutien politique de ces gouvernements et institutions
impérialistes internationaux. Le gouvernement argentin, pour faire face à
une première attaque spéculative en 2018, a bénéficié du plus grand
prêt de l’histoire du FMI : 57 milliards de dollars.
Le résultat final a été désastreux. Non seulement l’emprunt était
conditionné à l’adoption de mesures d’austérité drastiques contre les
travailleurs et les classes populaires ; non seulement cela a augmenté
l’endettement du pays ; non seulement cela n’a pas suffi pour arrêter
les attaques spéculatives mais cet argent n’a servi à répondre à aucune
nécessité populaire et au contraire il a servi à financer la fuite des
capitaux. Ainsi, au mois d’août le montant de la fuite de capitaux
tourne autour de 13 milliards de dollars, presque autant que les dollars
injectés par la Banque Centrale.
La question que beaucoup d’analystes se posent c’est pourquoi le FMI a
octroyé un crédit aussi important à un pays comme l’Argentine. Dans le Financial Times un analyste estime qu’ils « ont
été pris par la même euphorie que les investisseurs… Ils ont pensé que
la deuxième économie de l’Amérique du sud était en train d’adopter le
consensus de Washington ». Aujourd’hui en effet se pose la question
de savoir si le FMI va verser la tranche de 5,4 milliards de dollars
dans le cadre de ce prêt. Le doute sur ce déboursement aurait poussé le
gouvernement argentin à imposer des contrôles de capitaux et d’achat et
vente de devises.
Des problèmes structurels
Face à la débâcle de l’économie et au pillage des spéculateurs,
l’opposition péroniste, qui espère revenir au pouvoir après les
élections de fin octobre, n’a de cesse de répéter qu’elle respectera les
engagements internationaux de l’Argentine, pris par le gouvernement
néolibéral de Macri, et qu’une fois au pouvoir elle entend renégocier
les échéances de la dette.
Dans la situation actuelle, cette négociation avec le FMI ne pourrait
se traduire que par plus d’austérité pour les classes populaires et par
un endettement dans des conditions encore plus dures. Alors que des
millions de travailleurs et de jeunes espèrent que le retour des
péronistes au pouvoir ramène une certaine stabilité politique et des
politiques favorables aux plus faibles, tout semble indiquer que la
situation se dirige vers un scénario « à la Syriza » en pire.
Car le problème n’est pas simplement la politique néolibérale de
Macri mais la structure sous-développée et dépendante du capitalisme
argentin. Comme l’explique l’économiste marxiste et membre du Parti des
Travailleurs Socialistes, Esteban Mercatante, dans un article récent : « il
ne suffit pas de pointer ‘l’orientation’ néolibérale du gouvernement de
Macri pour expliquer la crise actuelle. Celle-ci trouve ses racines
dans les déséquilibres externes qui sont le résultat du caractère
arriéré et dépendant du capitalisme argentin dont les principaux
secteurs de la classe dominante (les entreprises impérialistes qui
dominent les secteurs les plus importants de l’économie comme
l’agrobusiness ou le pétrole, les groupes économiques nationaux, les
banques et les créanciers) envoient à l’étranger une grande partie de
leurs profits. Cela explique que, malgré les promesses d’en finir avec
l’austérité, ceux qui se préparent à remplacer Macri n’ont pas de
réponses alternatives pour sortir du bourbier du capitalisme argentin ».
Un programme qui défend les intérêts des travailleurs et des classes populaires
Dans ce cadre seulement un gouvernement de travailleurs défendant un
programme qui rompe avec le capitalisme dépendant argentin et avec
l’impérialisme peut vraiment répondre aux intérêts des travailleurs, de
la jeunesse et des classes populaires. C’est ce que défendent les
organisations qui composent le Frente de Izquierda y de los Trabajadores
- Unidad (Front de Gauche et des Travailleurs - Unité), dont nos
camarades du PTS sont la principale force politique.
Ainsi, face aux spéculateurs il faudrait nationaliser les banques
sous contrôle des travailleurs et former une banque unique d’Etat pour
éviter la fuite de capitaux mais aussi pour garantir la valeur des
économies des petits épargnants. Une telle banque pourrait être
également uns instrument pour l’octroi de crédits bon marché pour
financer l’achat des logements pour les classes populaires ou pour les
petits commerçants étranglés par la crise.
A côté d’une telle banque, il faudrait également décréter le monopole
du commerce étranger pour empêcher que les gros exportateurs utilisent
les devises pour spéculer contre la monnaie nationale et que ces devises
soient utilisées pour répondre aux besoins sociaux des travailleurs et
des classes populaires. Ces mesures sont nécessaires également pour
rompre avec le FMI et pour décréter le non-paiement de la dette qui n’a
servi qu’à financer la fuite de capitaux.
C’est un tel programme et une telle perspective anticapitaliste et
révolutionnaire que le FIT-Unidad met en discussion pour les prochaines
élections et surtout dans les lieux de travail et d’étude pour que face à
la crise ces idées commencent à faire leur chemin parmi des millions de
jeunes et de travailleurs.
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