Les
victoires de l’équipe algérienne dans la CAN 2019 ont été un bon
prétexte pour un déchaînement raciste sur les réseaux sociaux et les
médias.
Les célébrations des victoires de l’équipe algérienne de
football dans la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) pourraient rester
cantonnées à une simple anecdote de la vie sociale et sportive. Mais en
France, où les liens historiques, politiques et économiques avec
l’Algérie sont immenses, rien de tel ne passe inaperçu. Non seulement
ces évènements sont l’occasion pour rappeler le grand nombre d’algériens
et algériennes habitant dans l’hexagone ; elles deviennent également
l’occasion pour que des racistes exposent leurs préjugés et leur haine
xénophobe, particulièrement anti-algérienne.
Car si les préjugés et le venin raciste et xénophobe répandu par des
courants tels que le Rassemblement National et des groupuscules
identitaires visent les étrangers en général, la haine contre les
Algériens est encore plus forte. Elle trouve en effet sa source dans la
résistance que ce peuple a livrée contre le colonialisme français et
surtout dans la défaite imposée à l’impérialisme français lors de la
guerre de libération nationale de 1954 à 1962. Ainsi, le drapeau
algérien et tout symbole national algérien est devenu l’équivalent d’une
« provocation » à leurs yeux. Les propos de Stéphane Ravier du RN sur BFM, qui voudrait interdire le drapeau algérien dans les villes, le confirment.
Cependant, il serait faux d’affirmer que seul le RN et les
identitaires répandent ces idées. En effet, la large majorité des médias
contribuent à véhiculer, avec un langage plus détourné et hypocrite,
ces préjugés. La « fake News »
sur le supposé « supporter algérien » qui a fauché une famille, tuant
une femme et en blessant d’autres, à Montpellier en marge des
célébrations de la victoire de l’équipe algérienne en est une preuve
supplémentaire. Un évènement tragique qui n’avait strictement rien à
voir avec les célébrations de la victoire de l’équipe algérienne.
Aux médias il faut rajouter des politiciens des partis dits « du
centre » et les dirigeants d’Etat qui joignent leur voix à ce chœur
néfaste. Différentes déclarations et mesures de « sécurité » visant à
réprimer la fête participent à créer l’impression d’une ambiance
« anarchique » échappant à tout contrôle. Ainsi, ce 14 juillet on
annonçait 282 interpellations lors des célébrations pour la victoire de
l’Algérie contre le Nigeria. Or, dans ce nombre énorme d’arrestations on
incluait celles qui ont eu lieu pour réprimer les manifestants contre
Macron durant les commémorations de la Fête Nationale.
En effet, l’objectif final n’est autre que de criminaliser toute
expression de joie, de fierté mais aussi culturelle et politique des
opprimés. Alors, inévitablement, des milliers de personnes fêtant la
victoire de l’équipe nationale algérienne, drapeau à la main,
envahissant les rues des grandes villes françaises, ne pouvaient être
accompagnées que d’un lot de déclarations et d’actions politiques visant
à dénigrer cette fête ; il suffisait que quelques incidents
minoritaires aient lieu pour que toute une communauté soit tâchée de
« violente », « d’inadaptée », de potentiels délinquants. C’est
exactement le même procédé utilisé quand on prend l’exemple
d’organisations islamistes réactionnaires pour criminaliser l’ensemble
des musulmans, les présenter directement ou indirectement comme de
« potentiels terroristes ».
Une fois des images de vitrines cassées, de tirs de gaz lacrymogènes
et les quelques incidents passées en boucle à la télé toute la journée,
le terrain est déblayé pour que les moins « politiquement corrects »
déversent ouvertement leur racisme, incitant d’autres, débarrassés de
tout complexe, à faire de même. On feindra ensuite de s’étonner du grand
nombre d’Algériens en France (et d’étrangers en général, en profitant
pour dénoncer un soi-disant « laxisme des politiques migratoires »),
comme si c’était une surprise que les richesses de ce pays et la beauté
des quartiers chics des grandes villes était en grande partie le fruit
du travail de millions de travailleurs étrangers (ou de leurs enfants
nés ici), notamment venus des ex-colonies françaises.
Mais cette logique de criminalisation et de dénigrement des
expressions de joie des opprimés ne se limite pas aux Algériens et aux
étrangers. Elle s’abat aussi sur les travailleurs et les classes
populaires françaises. Rappelons que lors des commémorations de la
victoire de l’équipe de France à la finale de la Coupe du Monde 2018,
les Champs Élysées ont également connu des incidents et surtout de la
répression de la part de la police. Là aussi, la presse n’a pas hésité à
criminaliser les supporters des Bleus, principalement ceux descendus
des quartiers populaires qui composaient majoritairement le cortège qui
s’était rendu sur la célèbre avenue.
Si d’une part cela montre que ce n’est pas seulement lors des
célébrations des Algériens en France « qu’il y a des problèmes »,
d’autre part cela montre aussi que les classes dominantes criminalisent
toute expression de joie mais aussi toute expression politique
collective des classes populaires. L’hostilité de la part des médias à
l’égard du mouvement des Gilets Jaunes l’a très bien démontré ces
derniers mois.
Dans le cas précis de l’Algérie, la criminalisation de l’expression de la liesse collective cherche à diviser les travailleurs et les classes populaires. D’une part il y aurait les « inadaptés » algériens et de l’autre les Français. Or, ces préjugés racistes et xénophobes ne font que renforcer la domination des exploiteurs sur l’ensemble de la classe ouvrière et non seulement sur sa partie étrangère. Le racisme, en même temps qu’il redouble l’oppression des travailleurs étrangers, est une arme des capitalistes contre toute la classe ouvrière, y compris les travailleurs français.
Ce que les capitalistes français craignent c’est que les travailleurs
français unissent leurs forces dans les rues, dans les usines, lors des
grèves et des mouvements sociaux avec leurs frères et sœurs étrangers ;
ils veulent présenter les travailleurs algériens comme des
« délinquants » car ils veulent occulter les luttes héroïques du peuple
algérien, comme celle qu’il mène actuellement contre le régime du FLN
qui a confisqué les acquis de la révolution d’indépendance ; ils veulent
empêcher que les travailleurs et la jeunesse française joignent leurs
forces à celles des sans-papiers qui courageusement se battent
aujourd’hui pour leur régularisation avec des actions comme celle de
l’occupation du Panthéon ce week-end qui a été durement réprimée.
En ce sens, la criminalisation, le dénigrement, la répression des célébrations des algériens en France n’est pas une affaire banale de « maintien de l’ordre ». Il s’agit d’une affaire hautement politique pour maintenir et renforcer les divisions parmi les travailleurs et les classes populaires.
RP.
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