De
néoréformiste à néolibéral, Syriza compte sans doute ses dernières
semaines au pouvoir après l’échec cuisant des élections européennes et
locales. Cependant, c’est la droite conservatrice qui en tire profit.
Les élections européennes et locales qui se sont déroulées en Grèce
ce 26 mai avaient un certain goût de référendum sur la politique de
l’actuel gouvernement d’Alexis Tsipras de Syriza. Ce parti est arrivé au
pouvoir en 2015 à la faveur de l’énorme crise économique, politique et
sociale qui a secouée la Grèce depuis au moins 2010. Cependant, une fois
au pouvoir Syriza a abandonné ses discours « anti austérité », ses
promesses de « mesures sociales » et a adopté une politique ouvertement
néolibérale et austéritaire, en total accord avec les bailleurs de fond
du pays (notamment UE et FMI), qui avaient imposé des conditions de vie
très dures aux classes populaires du pays.
C’est cette politique qui a été en très grande partie sanctionnée
dans les urnes. Et c’est Tsipras lui-même qui a fait question de ces
élections une sorte de référendum sur sa politique. Pour tenter de
renverser les tendances que les sondages prédisaient, le gouvernement a
même annoncé, trois semaines avant le vote, des mesures fiscales en
faveur des plus démunis, essayant ainsi « d’acheter » les voix de
l’électorat populaire.
Mais cela n’a pas marché et la sanction a été violente : les
conservateurs de Nouvelle Démocratie (ND) ont récolté 33% des voix et
Syriza moins de 24%. Un écart de plus de 9% de voix, bien au-delà de ce
que les sondages prédisaient (entre 5% et 8% d’écart). En outre, dans
les élections locales la droite a également gagné dans presque tout le
pays.
Face à cette dure défaite, Tsipras a annoncé la convocation
d’élections anticipées qui auront lieu fin juin ou début juillet. Ainsi,
alors que Syriza espérait être le premier parti à aller jusqu’au bout
de son mandat en Grèce depuis le début de la crise économique
internationale, le pari est raté.
Il s’agit d’un échec non seulement pour un parti particulier, mais
aussi de l’échec de la politique des partis dits « néoréformistes » qui
ont émergé au cours de la crise mondiale, notamment en Europe. Ces
partis qui promettaient lutter contre les mesures d’austérité dictées
par les marchés internationaux, par les organisations financières
internationales et appliquées par les gouvernements néolibéraux et le
patronat locaux, ont montré le caractère néfaste de leur politique et de
leur stratégie de conciliation de classes. Syriza est en ce sens
l’exemple le plus cru d’une « normalisation » accélérée une fois au
pouvoir, qui a conduit l’organisation qui incarnait « l’espoir » de
millions de personnes d’enfin en finir avec les injustices sociales à
devenir un agent direct de l’application des politiques néolibérales.
Mais Syriza n’a pas seulement contribué à mettre en place ces
politiques antipopulaires et à aider les capitalistes grecs et européens
à renouer avec leurs profits. Tsipras et son parti ont été fondamentaux
pour recomposer le régime politique et le bipartisme bourgeois grec.
Ainsi, même si Syriza a perdu ces élections, l’échiquier politique grec
est clairement polarisé avec les conservateurs de ND. L’écart entre ces
deux partis et le reste est énorme ; Syriza ayant réussi à aspirer une
très grande partie de l’électorat du centre-gauche.
Par ailleurs, la politique internationale de Syriza, notamment dans
la région des Balkans, a permis un renforcement des tendances
nationalistes. En effet, la politique d’humiliation et de marchandage
pro-impérialiste menée par Tsipras autour de la question du changement
de nom de la Macédoine (forcée à se rebaptiser « Macédoine du Nord »), a
réveillé un mouvement nationaliste réactionnaire d’opposition à ces
soi-disant « concessions » à la Macédoine.
C’est sur cette base qu’une partie importante du mécontentement
envers le « néolibéralisme à la Syriza » a pu être capitalisé par la
droite et même une nouvelle formation d’extrême-droite.
De façon regrettable, face à cette politique du gouvernement de
Tsipras désastreuse pour les travailleurs, les jeunes et les classes
populaires, les courants anticapitalistes comme Antarsya ont été
incapables d’apparaître comme une alternative ; leurs résultats aux
élections ont ainsi été catastrophiques. Pourtant c’est une dure tache
de construction d’une alternative de classe, révolutionnaire en lutte
contre les capitalistes et toutes les oppressions qui apparaît
aujourd’hui centrale pour les travailleurs et les classes populaires
face aux politiques d’austérité et de conciliation avec les classes
dominantes. Autrement, ce seront des courants de plus en plus
réactionnaires qui capitaliseront le profond mécontentement populaire.
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