9.5.18

Fin de l’accord nucléaire iranien, échec total de Macron et les risques de guerre


C’était très probable, mais l’impact n’en est pas moins fort : Donald Trump a retiré les Etats Unis de l’accord sur le nucléaire iranien et rétabli les sanctions économiques à l’égard de Téhéran. Une offensive impérialiste qui ouvre la perspective de nouveaux conflits au Moyen Orient et qui marque l’échec le plus important de la politique internationale de Macron.
Philippe Alcoy

Les Etats Unis avaient jusqu’au 12 mai pour dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015. Cet accord consistait à enlever les sanctions économiques contre l’Iran permettant, entre autres, l’investissement d’entreprises étrangères dans le pays en échange de l’abandon du programme nucléaire iranien pouvant aboutir à la production d’armes atomiques par Téhéran. Le président nord-américain Donald Trump avait décidé de se prononcer mardi 8 mai depuis la Maison Blanche sur le retrait de l’accord sur le nucléaire iranien signé par l’administration Obama à l’été 2016. Il a ainsi retiré son pays de l’accord et rétabli les dures sanctions économiques vis-à-vis de Téhéran, le rendant de facto mort.

Les efforts des gouvernements européens, notamment de la France, de l’Allemagne et de la Grande Bretagne, dont les multinationales tiraient le plus de profit, n’ont pas réussi à convaincre le gouvernement de Washington. C’est un échec qui était probable mais un échec cuisant tout de même.

Un échec pour la politique internationale de Macron

Un échec notamment pour le président français Emmanuel Macron qui avait voulu devenir l’interlocuteur privilégié des Etats Unis en Europe, et qui dès le début de son mandat a essayé de faire des « gestes amicaux » à l’égard de Trump. Il était allé jusqu’à parler d’une « très bonne relation personnelle » avec le très controversé président étatsunien.

Macron s’est déjà aligné derrière Washington au sujet de l’offensive contre le régime d’Assad en Syrie en réponse à l’usage d’armes chimiques imputé à Damas. Son argument était alors de « démontrer » que la France pouvait être ferme aussi face à l’Iran, dont la Syrie est un allié central. Enfin, Macron s’était rendu le mois dernier aux Etats Unis, où il a été l’acteur de plusieurs scènes ridicules aux côtés de Trump, montrant publiquement « de la complicité » avec le président pour en fin de comptes échouer à le faire bouger d’une ligne concernant la politique internationale agressive de l’administration nord-américaine.

Le voyage de Macron aux Etats Unis en termes de résultats politiques a été un échec, le président français avait même reculé et capitulé face aux positions de Trump. Avec le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, c’est un nouveau désaveu pour la diplomatie macronienne qui vient confirmer la faiblesse de la position française sur la scène internationale.

Même si le retrait de l’accord nucléaire est un revers de taille pour l’Allemagne, il faut souligner que Berlin n’a pas essayé de « jouer l’ami » avec Trump et a maintenu depuis le début une position de relative fermeté. Au contraire, les contradictions entre les deux puissances impérialistes sont de plus en plus grandes, notamment sur le plan du commerce international. Macron s’est ainsi ridiculisé face à celui qui est en train de mettre fin brutalement à plusieurs gros contrats de multinationales françaises en Iran.

En effet, le rétablissement immédiat des sanctions économiques contre l’Iran va toucher plusieurs grands groupes internationaux, surtout européens (Renault, Airbus, Total, Volkswagen, PSA, Carrefour), et dans une moindre mesure, quelques multinationales nord-américains comme General Electric ou Boeing.

Un sursaut de tensions entre l’Iran et le front Etats-Unis et Israël

Sur le plan géopolitique, le retrait des Etats Unis est une énorme victoire des secteurs les plus agressifs de l’establishment nord-américain et de l’État sioniste et va en même temps renforcer les secteurs les plus durs et conservateurs du régime iranien. Derrière la décision de Trump il y a la volonté de mettre un coup de frein à la progression iranienne dans la région suite à la victoire militaire obtenue par Téhéran et ses alliés en Syrie. Les Etats Unis et surtout Israël ne veulent et ne peuvent pas accepter ce nouveau rapport de forces sur le terrain et essayent par tous les moyens (militaires, politiques et économiques) de limiter l’influence de l’Iran.

L’économie est l’un des points faibles du régime iranien. Les nord-américains et leurs alliés régionaux (principalement Israël et l’Arabie Saoudite) le savent très bien. La fin de l’accord nucléaire et le rétablissement des sanctions économiques sont un moyen de faire pression sur Téhéran, créant et/ou approfondissant les frictions politiques et sociales internes en Iran où le mécontentement des secteurs conservateurs est déjà très fort à l’égard du président Rohani. Il y a aussi en jeu la colère des classes populaires qui supportent des conditions de vie de plus en plus difficiles, et qui étaient au cœur des motifs de contestation et de mobilisation qui ont eu lieu à la fin de l’année 2017.

Au cours de ces derniers mois il y a eu plusieurs provocations militaires de la part d’Israël vis-à-vis del’Iran, l’objectif étant de justifier la fin de l’accord nucléaire, entre autres. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est allé même jusqu’à présenter des soi-disant des preuves sur les « mensonges » de l’Iran concernant son programme nucléaire. Des « preuves » infirmées par des institutions comme l’Agence Internationale de l’Energie Atomique qui ont-elles assuré que Téhéran respectait l’accord. Téhéran a évité de répondre directement à toutes ces provocations, notamment militaires.

Maintenant que l’accord nucléaire est mort beaucoup d’analystes craignent que l’Iran cherche à répondre militairement aux dernières offensives israéliennes contre des militaires iraniens en Syrie. Il faudrait cependant peser les conséquences politiques et militaires, très lourdes pour l’Iran en cas d’engagement dans un conflit direct avec la grande puissance régionale, alors que Téhéran reste encore très isolé sur le plan international. Mais avec la décision de Washington les risques d’un conflit augmentent.

En ce sens, il est possible que l’Iran réponde à Israël à travers les milices et les organisations que l’Etat chiite finance comme le Hezbollah au Liban. Le renforcement de l’organisation chiite et sa récente victoire électorale aux législatives rendent plausible cette hypothèse, même si les dirigeants du Hezbollah pourraient tenter de retarder le plus possible cet affrontement qui semble désormais quasiment inévitable.

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