Emmanuel
Macron pense devoir imposer son autorité. Gagner une autorité en
réalité. Et face à la polémique autour de la réduction du budget de
l’armée il a décidé de jouer la surenchère. Un pari risqué ; « ça passe
ou ça casse ». Or, même si « ça passe », cela risque de laisser des
traces qui inquiètent déjà la classe capitaliste.
Depuis la semaine dernière, le torchon brûle entre le président
et le chef de l’état-major des armées (CEMA), Pierre de Villiers. En
cause, une réduction de 850 millions d’euros du budget de l’armée,
notamment destiné au renouvellement du matériel.
Cette décision n’a pas du tout plu au général de Villiers. La
particule n’est pas gage de politesse et le CEMA aurait lancé
vulgairement, devant la commission de la défense de l’Assemblée
Nationale : « Je ne me laisserai pas baiser comme ça ! ». Les députés présents n’auraient pas manqué d’applaudir bien évidemment.
La polémique enfle dans la presse et le 13 juillet, avant le
traditionnel et réactionnaire défilé du 14 juillet, Macron humilie de
Villiers devant « la crème » des armées et devant les caméras de tous
les médias : « Il ne m’a pas échappé que ces derniers jours ont été
marqués par de nombreux débats sur le sujet du budget de la Défense. Je
considère pour ma part qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats
sur la place publique. J’ai pris des engagements. Je suis votre chef.
Les engagements que je prends devant nos concitoyens, et devant nos
armées, je sais les tenir. Je n’ai à cet égard besoin de nulle pression
et de nul commentaire ».
Le weekend, dans une interview dans Le Journal du Dimanche, Macron, tout en réitérant sa « confiance » envers Pierre de Villiers a appuyé sa position en déclarant que « si quelque chose oppose le chef d’état-major des armées au président de la République, le chef d’état-major des armées change ».
En effet, ces derniers jours les rumeurs sur une possible démission
du CEMA ont circulé dans la presse. Et on attend toujours de voir quel
sera le résultat de la rencontre entre Macron et de Villiers, vendredi
prochain.
Le risque d’une crise importante plane sur l’Elysée. Comme dit l’ancien CEMA de Jacques Chirac, Henri Bentégeat, « les
armées, ça obéit, fondamentalement. Et, sur le fond, c’est le devoir du
président de rappeler son autorité (…) Mais la méthode va laisser des
traces, on ne peut pas remettre en cause publiquement un chef militaire
comme cela devant ses subordonnés ».
L’opposition de droite s’engouffre dans la brèche
Rarement on n’aura vu une condamnation aussi unanime d’une mesure
d’austérité : l’opposition à l’Assemblée Nationale, même réduite à
portion congrue, a condamné « l’austérité » pour la Défense et soutenu
le général de Villiers face au président.
En effet, alors que LREM a tout « raflé » lors des élections
législatives et que les différents partis « traditionnels » du régime se
trouvent empêtrés dans de multiples crises, les députés d’opposition
essayent de profiter de la première brèche qu’ils trouvent pour
affaiblir le pouvoir « en solo » du gouvernement Macron-Philippe.
Ainsi, le président Les Républicains de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, a déclaré sur Twitter : « En aucun cas le général de Villiers ne doit démissionner. C’est un militaire exceptionnel ».
Florian Philippot, vice-président du FN, a déclaré de son côté : « Le
général Pierre de Villiers doit pouvoir compter sur le soutien de
l’ensemble des Français soucieux de préserver nos capacités de défense
et donc notre sécurité ».
Au Sénat, Gérard Larcher, son président, et l’ancien Premier
ministre, Jean-Pierre Raffarin, ont réagit en condamnant la décision de
Bercy.
Mais même parmi les députés LREM on a entendu des voix dissidentes.
Ainsi, les députés LREM Gwendal Rouillard, proche du ministre des
Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, et Jean-Charles Larsonneur,
député du Finistère, ont condamné dans la presse la décision du
gouvernement. De son côté, Jean-Jacques Bridey, député LREM du
Val-de-Marne et président de la commission de la Défense à l’Assemblée
nationale a déclaré : « C’est un choix. Personnellement, je le
regrette, surtout quand je vois l’explication qui a été donnée par
Bercy, puisqu’on nous dit qu’il faut faire 4 et quelques milliards
d’économies mais que dans le même temps, on ouvre 1,5 milliard
d’ouverture de crédit pour la capitalisation d’Areva ».
Les capitalistes s’inquiètent
Cette crise dans les hautes sphères de
l’appareil d’Etat met à l’épreuve la capacité de leadership du nouveau
président. C’est un test qu’il passe devant l’opinion publique mais
surtout devant le patronat. Et on peut dire que la classe capitaliste
est mi-agacée, mi-inquiète pour cette polémique qui, selon elle, était
« évitable ».
Ainsi, le journal de Serge Dassault, Le Figaro, a publié un article très dur et critique
à l’égard de l’attitude du président français. Il est vrai que ces
coupes budgétaires touchent directement les intérêts de l’empire de
l’armement Dassault mais les considérations dans l’article en question
vont bien au-delà d’un simple règlement de comptes.
« Celui qui recadre ainsi le chef d’état major des armées (CEMA),
peut-on lire dans l’article, a obtenu 24 % - seulement - au premier tour
de l’élection présidentielle. (…) À travers sa confrontation brutale et
déséquilibrée avec le chef d’État major des armées, Emmanuel Macron
croit utile de signifier qu’il dispose du pouvoir. Curieux rappel en
vérité, car sous la V° République, qui doute de l’étendue du pouvoir et
des prérogatives du chef de l’État français ? Personne. Alors à quoi
bon ? Veut-il tuer dans l’œuf toute velléité de contestation, voire
simplement toute forme de discussion contradictoire ? Tout le laisse
penser ; de la même façon, nous imaginons qu’avec cette exécution en
place publique du CEMA, Emmanuel Macron vise tous ceux qui seraient
tentés de le contrarier, puisqu’il n’a ‘besoin de nulle pression et de
nul commentaire’ ».
En réalité la question que l’article du Figaro pose consiste à savoir
si l’attitude de Macron est une démonstration de force ou de faiblesse,
notamment si l’on considère le programme de contre-réformes qu’il
entend entreprendre : « dispose-t-il vraiment d’une main de fer ? Le
chantier des réformes à mener est tel que nous espérons voir la même
fermeté s’exercer lorsque les premières vraies difficultés surgiront.
Car si le CEMA n’a pas d’autre choix que d’obéir ou de se démettre, il
n’en ira pas de même avec la jeunesse, la rue, ou encore les syndicats ».
En gros, pour Le Figaro le message est : pas de feu ami ! Et
on conseille à Macron de garder sa « fermeté » pour les travailleurs et
la jeunesse lors des probables prochaines luttes : « Emmanuel Macron
se contente d’une nouvelle victoire à la Pyrrhus, en écrasant plus petit
que lui. Mais à force de vaincre sans péril, il se pourrait bien qu’à
la fin, il n’y ait ni triomphe, ni gloire ».
En finir avec les interventions militaires de la France
La France dispose de 30000 militaires
déployés dans différents conflits dans le monde. L’armée française est
présente en Syrie, en Irak, au Sahel, en Côte d’Ivoire et ainsi de
suite. Elle s’y trouve défendant les intérêts économiques et
géopolitiques des grandes fortunes françaises et aucunement pour
« protéger les citoyens des attaques terroristes » et encore moins pour
apporter la démocratie dans des pays en guerre.
L’industrie de l’armement français n’est pas au bord de la faillite
non plus. Les 850 millions d’euros de coupe budgétaire ne sont rien par
rapport aux milliards d’euros que l’action des différents gouvernements,
notamment celui de François Hollande, ont fait gagner aux géants de
l’armement français. N’oublions pas que la France est devenue le second
marchand de mort ces dernières années, derrière les États-Unis.
C’est pour cela qu’à l’heure des polémiques sur le budget de l’armée
personne ne remet en cause les interventions militaires françaises. Au
contraire, celles-ci sont utilisées pour justifier les dépenses
milliardaires en armements, logistique, etc.
C’est le retrait immédiat de l’armée impérialiste française des
différents théâtres d’opération où elle intervient qui pourrait
permettre d’allouer ces milliards d’euros, destinés aujourd’hui à des
industries de destruction, aux budgets de la santé, de l’éducation, à la
création de postes de travail pour résoudre le fléau du chômage. Et la
fin des interventions militaires de l’impérialisme français à l’étranger
est également le meilleur moyen d’empêcher que des attaques terroristes
se produisent en France contre la population civile.
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