Total
 a signé un accord avec l’Iran pour l’exploitation du plus grand 
gisement de gaz au monde. Un projet de près de 5 milliards de dollars en
 partenariat avec le géant chinois China National Petroleum Corporation 
(CNPC) et la société publique iranienne Petropars. Un accord qui risque 
d’irriter les États-Unis, en pleine « croisade » anti-iranienne, et de 
créer de nouvelles frictions entre les puissances occidentales.
L’accord sur le nucléaire iranien signé par plusieurs 
puissances mondiales posait les bases pour la levée d’une grande partie 
des sanctions économiques qui pesaient sur le pays perse. Cela allait 
permettre à l’Iran d’attirer des capitaux internationaux qui 
apporteraient le renouvellement technique et des infrastructures 
nécessaires au pays, et pour les multinationales cela signifiait 
l’ouverture d’un marché de 85 millions de consommateurs, en plus de 
l’opportunité de réaliser de juteux profits.
Cependant, au-delà de certaines entreprises qui étaient déjà 
implantées avant les sanctions (comme Total elle-même, mais aussi PSA ou
 Renault), peu d’entreprises ont fait le pas de s’engager sur de gros 
investissement pour le moment.
Les raisons sont multiples, comme les lourdeurs bureaucratiques. Mais
 elles sont surtout liées à la situation politique. D’une part, la 
participation de l’Iran à la guerre en Syrie du côté de Bachar al-Assad,
 ce qui l’oppose aux alliés des puissances occidentaux, et d’autre part 
l’élection de Donald Trump qui a depuis longtemps déclaré son hostilité à
 l’accord sur le nucléaire iranien qui permet la levée des sanctions.
À cela il faut ajouter que le Sénat nord-américain a voté récemment 
de nouvelles sanctions contre l’Iran, que la Maison-Blanche est en train
 d’évaluer si elle rompt ou non l’accord sur le nucléaire, et que lors 
de sa visite au Moyen-Orient, Trump a encouragé le lancement d’une 
offensive anti-iranienne de la part de ses alliés proches comme l’Arabie
 saoudite et Israël (ce qui a d’ailleurs contribué à pousser l’Arabie 
saoudite à lancer une offensive contre le Qatar, en ouvrant une 
situation plus qu’inconfortable pour les États-Unis).
C’est pour cela que l’accord entre l’Iran et Total a autant d’impact.
 Celui-ci est très important pour Total, qui fait un premier 
investissement de 1,75 milliards d’euros et pourrait investir une somme 
égale dans une deuxième phase du projet. Ce partenariat permettra à la 
multinationale française d’exploiter ce gisement géant de gaz pendant 
les vingt prochaines années.
Contradictions du capitalisme iranien
Le gouvernement espère que l’accord avec Total contribuera à « briser
 la glace » et que d’autres entreprises européennes suivront l’exemple 
de la multinationale française. D’ailleurs, d’autres géants du secteur 
pétrolier, comme l’anglo-néerlandaise Shell ou l’italienne ENI, sont 
déjà en train d’explorer d’éventuels investissements.
En effet, l’Iran a besoin de ces investissements des capitaux 
occidentaux car ils sont indispensables pour lui apporter la technologie
 nécessaire pour pouvoir exploiter ses ressources naturelles. Par 
exemple, pendant toutes ces années d’embargo économique, Téhéran n’a pas
 pu exploiter le gisement de gaz naturel qu’il partage avec le Qatar, 
car il ne disposait pas des capacités techniques de le faire.Les 
infrastructures iraniennes sont également dans un très mauvais état. On 
estime que l’Iran a besoin de 200 milliards de dollars d’investissements
 pour les cinq prochaines années pour renouveler son secteur 
énergétique.
Cependant, cette ouverture envers les capitaux étrangers est 
également en train de produire des contradictions internes car des 
secteurs capitalistes locaux, liés notamment aux forces armées, se sont 
développés grâce à toutes ces années d’embargo. Aujourd’hui, ils 
craignent que la concurrence internationale leur fasse perdre leur 
statut économique et social.
Une dispute pour le marché iranien ?
L’accord gazier de Total avec l’Iran tombe à un moment où les 
relations transatlantiques sont dans une situation très délicate. Les 
États-Unis sont en train d’utiliser de plus en plus ouvertement la 
diplomatie et les sanctions économiques contre des partenaires 
économiques « encombrants » de l’Union européenne, comme la Russie et 
l’Iran, pour entraver le développement des multinationales européennes 
concurrentes des multinationales étasuniennes.
Les entreprises européennes craignent les sanctions économiques et 
les amendes de la part des États-Unis et agissent avec beaucoup de 
précautions. Dans le cas de Total, le géant français ne voudrait pas 
faire un faux pas en Iran et voir affectés ses intérêts aux États-Unis. 
Mais, comme déclare le PDG de Total, Patrick Pouyanné, « nous devons 
vivre avec un certain degré d’incertitude (…) Cela vaut la peine de 
prendre un risque à 1 milliard de dollars parce que cela nous ouvre un 
vaste marché ». Et ce risque est d’autant plus « facile » à prendre 
qu’il peut compter sur l’aide d’Emmanuel Macron, qui a reçu vendredi 
dernier le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad 
Zarif, ce qui a sans aucun doute accéléré les choses.
En effet, depuis l’accord sur le nucléaire iranien les capitalistes 
étasuniens voient que ce sont leurs concurrents européens qui profitent 
le plus de l’ouverture du marché, même si pour le moment de façon 
timide. La position dure de Trump à l’égard de l’accord sur le nucléaire
 n’exprime peut-être pas une volonté d’y mettre fin, mais une tentative 
d’améliorer le rapport de forces à la faveur du capital nord-américain.
Ainsi, l’Iran et son accord avec Total risquent de devenir encore une
 nouvelle source de conflits et de frictions inter-impérialistes dans le
 Moyen-Orient.
Quant aux répercussions dans la région, l’accord gazier est un point 
d’appui pour l’Iran dans sa dispute réactionnaire avec l’Arabie saoudite
 pour « l’hégémonie » régionale. Autrement dit, une dispute pour savoir 
qui sera le principal interlocuteur et « partenaire » des puissances 
impérialistes. Dans la crise ouverte avec le Qatar, sous-produit de 
cette lutte dans la péninsule, l’accord Total-Iran pourrait renforcer 
l’opposition à l’Arabie saoudite au sein du soi-disant « pôle sunnite ».
 

 
 
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