23.3.16

Après les attentats de Bruxelles, redoubler la lutte contre la Loi Travail devient une urgence


Philippe Alcoy

Au lendemain des terribles attentats à Bruxelles, qui ont couté la vie à plus de 30 personnes, l’émotion est grande, mais la sidération est bien moins palpable que lors des attentats de Paris en novembre dernier. Les Echos dans un édito parlent même de « terrible routine » pour qualifier les rapides mesures prises par le gouvernement français. En effet, ces nouveaux attentats marquent non seulement l’échec du « tout sécuritaire » au niveau européen mais surtout une limite aux tentatives de récupération de l’émotion populaire par les différents gouvernements. Au contraire, les attaques de Bruxelles pourraient avoir comme conséquence l’approfondissement de la crise sociale et politique de l’UE et dans différents pays du continent.

En effet, par leur caractère « nouveau » les attaques sanglantes de novembre dernier à Paris et à Saint-Denis ont fortement choqué non seulement la population en France mais à travers le continent et au-delà. Par l’instrumentalisation de l’émotion provoquée par ces attentats, le gouvernement Hollande-Valls en avait profité pour imposer des mesures limitant les droits démocratiques fondamentaux en renforçant l’appareil répressif et le contrôle des citoyens, à commencer par les musulmans, les étrangers, les habitants des quartiers populaires, les militants syndicaux et politiques. C’était le « tout sécuritaire » à l’intérieur des frontières (bien gardées par ailleurs) et les bombardements à l’extérieur (Syrie) au nom de la soi-disant « lutte contre le terrorisme ».

Mais les attentats de Bruxelles, en plus d’avoir moins cet effet tétanisant qui permet aux gouvernements de capitaliser l’émotion et le choc, marquent l’échec de la politique du « tout sécuritaire », des contrôles des frontières, de la limitation des libertés élémentaires. La presse dominante et les gouvernants n’hésitent plus à parler d’une « longue guerre contre le terrorisme ». Ils avouent qu’on devrait donc « s’habituer » aux attentats. Comme s’il s’agissait d’une fatalité inévitable. Comme si les politiques intérieures et extérieures des puissances impérialistes européennes n’avaient rien à voir.

Au contraire, bien que les effets des « attaques de Bruxelles » ne soient les mêmes que « les attaques de Paris », les différents gouvernements européens vont essayer de profiter pour limiter encore plus les droits démocratiques, pour renforcer les contrôles à la frontière. Le racisme, la xénophobie et les courants politiques nationalistes et d’extrême droite vont continuer à monter dans les sondages, voire faire des bons scores électoraux dans différents pays centraux du continent qui rentreront dans des périodes électorales (France, Allemagne, etc.).

Les différents partis au pouvoir continueront d’appliquer des mesures empruntées aux courants d’extrême droite pour leur couper l’herbe sous le pied, alors qu’ils sont les premiers responsables de leur monté. Cependant, cela ne veut pas dire que ces manœuvres électoralistes marcheront. L’échec du « tout sécuritaire » et des politiques antérieures peuvent créer de plus en plus de méfiance vis-à-vis des partis au pouvoir au sein de la population et ainsi rendre plus difficile d’appliquer leurs politiques. On peut voir cela déjà en France avec le fiasco de la mesure phare du tandem Hollande-Vals suite aux attentats de novembre, la déchéance de la nationalité.

Au niveau européen, il est très probable que l’islamophobie et le renforcement de « l’Europe forteresse » continuent également. Mais cela pourrait avoir des résultats paradoxaux pour les dirigeants européens. En effet, en ce moment même l’UE est en train de passer un accord honteux avec la Turquie du boucher Erdogan pour « rapatrier » en Turquie les migrants arrivés dans les îles grecques. Le gouvernement turque est non seulement en train de marchander le financement de cet accord mais aussi essaye d’obtenir certaines mesures politiques, comme la possibilité pour les ressortissants turcs de voyager en Europe sans visa et l’ouverture des négociations d’élargissement de l’UE. La montée de l’islamophobie et des partis nationalistes et d’extrême droite pourrait bloquer ces points de négociation et mettre à mal l’accord de la honte turco-européen.

C’est dans ce contexte de risque de renforcement des tendances réactionnaires à travers le continent que le mouvement qui commence à se structurer en France contre la Loi El Khomri, dite « Loi Travail », prend une importance particulière. En effet, si le mouvement de la jeunesse, les travailleurs et les classes populaires imposent une défaite au gouvernement Hollande-Valls cela pourrait permettre de l’affaiblir et empêcher d’appliquer de nouvelles attaques et des mesures contre les libertés démocratiques.

Un fort mouvement contre la loi El Khomri pourrait déboucher également sur une remise en cause de l’ensemble de la politique répressive que le gouvernement a mis en place depuis les attentats de novembre. Ce n’est pas par hasard que dans plusieurs universités en lutte les assemblées générales votent, outre le retrait sans condition de la nouvelle loi, la levée de l’état d’urgence, le retrait de la déchéance de la nationalité et le soutien aux migrants. Le mouvement ouvrier pourrait aussi se rallier à ces revendications.

Ainsi, redoubler la lutte contre la Loi Travail c’est aussi une façon de redonner confiance à la jeunesse, aux travailleurs et aux classes populaires en leurs propres forces et méthodes de lutte ; leur redonner de l’espoir en se battant pour maintenir les acquis du mouvement ouvrier, fruits des luttes, la seule façon aussi de préparer les luttes de demain. Voilà comment on pourra faire reculer efficacement le FN et toutes les tendances réactionnaires, y compris celles de type islamiste, dans les quartiers, les usines et les lieux de travail.

Etant donné l’importance de la France dans l’Europe et dans le monde, un grand mouvement contre cette attaque rétrograde du gouvernement et surtout une victoire contre Hollande-Valls serait un grand pas en avant pour commencer à changer la conjoncture sociale et politique à une très large échelle. Cela signifierait rompre avec le fatalisme de la montée des tendances ultra-réactionnaires à travers le continent. Cela permettrait d’améliorer le rapport de forces pour imposer la fin des mesures xénophobes et les accords honteux entre gouvernements et surtout l’ouverture des frontières et l’accueil décent de tous les migrants, quel que soit leur statut. Cette solidarité internationaliste est fondamentale pour détruire les discours réactionnaires et le pouvoir d’attraction de courants comme Daesh.

En ce sens, la jeunesse et le mouvement ouvrier en France ont une grande et grandiose responsabilité en ce moment, qui dépasse largement les frontières nationales, qui dépasse largement le cadre de la lutte contre la loi El Khomri. C’est en dernière instance une grande responsabilité dans la lutte contre la barbarie engendrée par la décomposition de la société capitaliste. Il est notamment fondamental de construire un véritable plan de bataille, à commencer, la mobilisation du 24, puis celle du 31 mars, qui doit être une grève générale qu’on se doit d’exiger reconductible jusqu’au retrait total de la loi. Cela est fondamental pour construire ce grand mouvement dont on a tant besoin.

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