Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Mardi 28 au soir, des dizaines de milliers de
manifestants ont pris les rues de la capitale hongroise, Budapest. C’est
la deuxième manifestation massive en trois jours (dimanche 26 plus de
dix mille personnes avaient manifesté également). Les manifestants
s’opposent à un projet de loi du gouvernement conservateur de Viktor
Orban qui prétend mettre en place une taxe sur l’utilisation d’internet.
La contestation de cette loi semble être en train de jouer un rôle de
canalisateur d’un mécontentement social plus profond contenu depuis des
années au sein de la société hongroise.
D’après cette
nouvelle loi, les fournisseurs d’internet et leurs clients devront payer
une taxe de 0,50 euros par gigaoctet téléchargé. Cela a provoqué la
rage de la population, notamment parmi les jeunes. C’est comme ça que
l’on a organisé rapidement une manifestation dimanche dernier devant le
ministère de l’économie et le siège du parti d’Orban, la FIDESZ.
Plus de 10.000 personnes y ont pris partie. Les
manifestants scandaient « Internet libre, Hongrie libre » mais aussi des
slogans contre le gouvernement.
Face au mécontentement populaire, le gouvernement
avait essayé de désamorcer la mobilisation en annonçant quelques
concessions : la taxe serait limitée à 2,3 euros par mois et par
internaute. Mais cela n’a pas été suffisant et les manifestants ont
repris la rue mardi soir, encore plus nombreux. Certains parlent de près
de cent mille participants. Des manifestations ont eu lieu également
dans 8 autres villes du pays. Ils exigent l’abandon du projet de loi.
Regrettablement après la manifestation de mardi soir, aucune prochaine
date de manifestation n’a été prévue dans les prochains jours.
D’après Orban, cette taxe est fondamentale pour
combler les trous du budget 2015. En effet, la Hongrie est l’un des pays
de l’UE les plus endettés et avec cette nouvelle taxe le gouvernement
compte récolter 65 millions d’euros.
L’UE et les Etats-Unis contre Orban
Dans les manifestations on n’a pas seulement noté la
présence de responsables de partis politiques bourgeois d’opposition, on
a aussi remarqué la présence de hauts fonctionnaires impérialistes
comme Andre Goodfriend, chargé d’affaires de l’ambassade américaine en
Hongrie. L’UE de son côté a dénoncé le projet de loi à travers de sa
commissaire aux nouvelles technologies, Neelie Kroes.
En effet, depuis quelques années les relations entre Viktor Orban et l’impérialisme sont pour le moins « compliquées ».
Ses politiques économiques « hétérodoxes » ne plaisent pas vraiment aux
fonctionnaires de l’UE et du FMI. En outre, depuis qu’Orban est arrivé
au pouvoir, il a mis en place toute une série de réformes politiques
qui, entre autres choses, limitent certaines libertés démocratiques.
Evidemment, ces mêmes fonctionnaires ne déploient pas
la même énergie pour dénoncer les attaques contre les travailleurs et
les classes populaires (restriction du droit de grève, travail forcé
pour les chômeurs, stigmatisation du peuple rrom, criminalisation des SDF).
Ce qui a provoqué ces nouvelles tensions entre le
gouvernement hongrois et les dirigeants impérialistes, c’est le
rapprochement politique et économique de la Hongrie avec la Russie, ce
qui au milieu des frictions avec Poutine ne plait pas à l’impérialisme.
En effet, Viktor Orban déclarait en août dernier que la démocratie
libérale « avait fait faillite » et qu’il voulait transformer la Hongrie
en un régime « illibéral » prenant comme modèle la Turquie et notamment
la Russie et la Chine.
Des brèches dans « l’orbanisme » et des opportunités pour les classes populaires
Malgré cette tentative des impérialistes et des
politiciens bourgeois locaux de contrôler la contestation, cette
mobilisation commence à révéler peut-être certaines brèches dans le
régime « orbaniste ». En effet, malgré son écrasante victoire aux
dernières élections municipales, la forte abstention (57%) montrait déjà
certaines faiblesses.
Depuis quelques années, V. Orban a effectué un
tournant bonapartiste, avec un discours droitier et nationaliste, qui
dans certains aspects rentrait en contradiction avec des intérêts
impérialistes. Son discours sur la défense des « intérêts nationaux »,
avec l’objectif de créer une sorte de « capitalisme magyar », se combine
avec une orientation politique et économique profondément
antipopulaire.
Face à la crise politique de l’opposition bourgeoise,
qui quand elle était au pouvoir a dirigé le pays d’une façon non moins
antipopulaire, et au manque d’alternatives propres, c’est plutôt le
désenchantement avec la politique officielle et l’apathie qui se sont
répandus parmi la société hongroise. Les taux élevés d’abstention et la
croissance du parti xénophobe et ultraréactionnaire Jobbik sont, à leur
manière, une expression de cela.
Cependant, ces mobilisations pourraient être en train
de marquer un début de nouvelles perspectives pour les classes
populaires à travers la lutte directe dans les rues. Un recul du
gouvernement pourrait en effet donner une nouvelle force à l’action
directe des masses en Hongrie et leur redonner confiance en leurs
forces.
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